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LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

poser sous mes yeux l’admirable chorégraphie du Sacre par oubli, inattention, insouciance des exécutants ; je suis inquiet pour l’avenir de la belle œuvre de Diaghilew lorsque je constate aujourd’hui dans son action une sorte de timidité, de l’éclectisme : lui qui, auparavant, par ses coups d’audace et son esprit de risque, nous imposait ses conceptions, semble préoccupé aujourd’hui de deviner, de satisfaire nos inclinations, nos goûts naissants. Il y a en lui flottement, hésitation, peut-être fatigue. Espérons que ce n’est que temporaire.

R. DE SCHLŒZER


WAGNER AU THÉÂTRE DES CHAMPS-ÉLYSÉES.


Nous venons d’avoir eu une saison wagnérienne au théâtre des Champs Elysées : une splendide troupe italienne sous la direction de M. Serafini nous a fait entendre Tristan, les Maîtres Chanteurs, Parsifal, Lohengrin : nous avons admiré de belles voix, un jeu très expressif, des chœurs merveilleusement disciplinés, riches et souples, un chef d’orchestre d’un tempérament musical ardent, régi par un goût sûr, servi par un métier parfait, mais dont toutes les intentions ne furent pas toujours comprises par ses instrumentistes.

Wagner fut exécuté à l’italienne, c’est-à-dire très en dehors, avec une passion exubérante (Tristan), avec une certaine bouffonnerie dans le comique ([les Maîtres Chanteurs). Ce n’est pas un reproche à faire aux artistes : l’exécution à l’allemande, à la française n’est ni plus, ni moins justifiée que l’exécution à l’italienne. Lorsqu’il s’agit d’œuvres comme celles de Wagner il faut dénier à qui que ce soit, à quelque nationalité que ce soit le droit de nous imposer un style modèle, une exécution type. Exécutez Wagner à l’américaine, si vous pouvez, et si vous parvenez à maintenir l’unité de style, à me donner une impression complète, à me convaincre, vous avez raison gagnée. Le résultat couvre tout ; dans ce cas-ci, l’unité de style était parfaite : les Italiens ont donc triomphé. Ce fait prouve qu’il y a de l’italien en Wagner ; un jour, peut-être, on nous y fera goûter du russe, du polonais… Et ce sera très bien.

R. DE SCHLŒZER