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102 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

a exercé ici une influence parallèle à celle d'une Rosa Luxembourg et d'un Liebknecht, et préparé une atmosphère de révolution.

On en peut dire autant de la revue mensuelle Das Forum, fondée en avril 1914. Il y avait du mérite à vouloir alors créer en Allemagne un courant qui, encore que purement intellec- tuel, s'annonçait nettement révolutionnaire. Le manifeste contre la guerre que son directeur Wilhelm Herzog publia dans le numéro d'avril 19 14 amena l'intervention de la censure ; celle-ci fit passer l'article au pilon et après des tracasseries sans nombre la police finit par interdire en septembre 191 5 la publication de la revue, qui n'a repris qu'au moment de l'armistice (chez Gustav Kiepenheuer, Postdam), sous l'inspiration de Romain Rolland, dont elle vient de publier le Danton. Wilhelm Herzog, qui dirige en même temps le quotidien die Rcpublik, et ses collabora- teurs, Latzko, Leonhard Frank, visent autant qu'à la défaite des forces conservatrices, à une régénération intérieure de l'homme — la transformation intellectuelle et morale étant condition d'une amélioration sociale et politique.

Même orientation, avec une prédominance de la note litté- raire, dans die Weissen Blatter fondées en 191 3 et éditées par Paul Cassirer. C'est de Suisse où il s'est installé, que l'Alsacien René Schickele dirige ces feuilles où le plus large accueil a été fait aux jeunes talents. Grâce à l'intelligente impulsion de Schickele nombre d'oeuvres dont l'audace esthétique ou poli- tique eût effrayé les éditeurs ordinaires ont pu paraître pendant la guerre dans die Weissen Blatter, et l'éclectisme de Schickele permet que les articles de Kasimir Edschmid, théoricien pas- sionné de l'expressionnisme, et romancier d'un dionysisme éruptif, y voisinent avec ceux du comte Kessler, représentant de Paristocratisme, et intellectuel d'une inspiration contenue à la française.

De telles revues dès le premier jour s'opposaient nettement non seulement aux organes sclérotiques comme la Deutsche Rundschau, mais à ceux qui, comme die Tat et dcr Kunstwart, sous une apparence de nouveauté, et malgré un effort de « cul- ture » demeuré superficiel, n'ont guère fait que s'intégrer au Reich, et vivre selon le rythme de son organisation mécanique. Les « expressionnistes » eux naissaient en opposition au milieu, à un état de choses dont on prétendait qu'il déterminerait leur

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