CHRONIQUE DRAMATIQ.UE 89
nages, Vincelon, dans la nouvelle de M. Henri Duvernols, est employé de ministère. Dans Jacqueline, il est peintre. Etant peintre, il parle de son art. J'en appelle à ceux qui l'ont entendu. Il n'est pas de mots plus délicieux, plus sensibles, plus vrais, d'un artiste sur son art, avec ses scrupules, ses hésitations, ses doutes, ses illusions, et la distance qui sépare la réalisation de la conception. Ce changement a fourni en outre à M. Sacha Guitry un élément très dramatique, quand le mari de Jacque- line, devant son portrait, oeuvre de Vincelon, étrangle, pour la venger, la femme qui l'a tuée. Sans doute, cette fin de la pièce, — la même que dans la nouvelle, — peut sembler un peu mélodramatique. Sans doute aussi, le personnage princi- pal, après le changement qui s'est fait en lui depuis la mort de Jacqueline et sous l'effet des réflexions qu'il a faites sur ses torts de mari, peut sembler manquer à ses sentiments de pardon en tuant ainsi à son tour. Mais on peut répondre à cela que, brutal et violent foncièrement, le changement n'a pas pu modifier bien profondément son caractère, et que celui-ci réveillé pur le cha- grin et la provocation, il est revenu tout à coup à sa vraie nature. Ce sont d'ailleurs là des détails sans importance dans cette œuvre pleine des sentiments les plus vrais et les plus tou- chants, exprimés dans un style admirable de brièveté et de sim- plicité, et dont la force d'impression sur le spectateur est très grande, sans rien qui sorte de la vraisemblance. L'interpréta- tion est hors de pair, avec M. Lucien Guitry, M. Berthier et Madame Yvonne Printemps, à qui je finirai par trouver encore plus de talent dans les rôles difficiles que dans les petits rôles simplement amusants.
J'en suis désolé pour M. Paul Fort, mais j'ai rarement vu une pièce plus ennuyeuse que son Louis XI, pourtant « curieux homme ». On se demande en vain la signification de ces tableaux sans lien entre eux. On se demande même, car c'est, pour par- tie, de l'histoire de France, et si loin de nous qu'on l'a tout à fait oubliée, ce que sont, par rapport les uns aux autres, chacun de ces personnages qu'on entend discourir. C'est aussi de la poésie, paraît-il ? Je ne l'ai vue, pour ma part, cette poésie, à aucun endroit de la pièce. Tout cela m'a paru verbeux, terne^ déclamatoire inutilement, et incohérent. La vérité manque, et la fantaisie est médiocre. J'ai lu dans quelques journaux des
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