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88 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

de style, sa rhétorique déclamatoire, et je le tiens sur ce point pour le contraire du véritable écrivain. C'est de lui, après Jean-Jacques et Chateaubriand, que nous vient toute la mau- vaise littérature d'aujourd'hui. Que sont-ils, eux et bien d'autres, à côté de l'écrivain admirable comme sensibilité, intelligence supérieure, spontanéité de l'expression, liberté morale la plus complète, que je ne nommerai pas et qui m'a donné de si vifs plaisirs que je voudrais être seul à le connaître ? Il m'arrive de dire et d'écrire ces choses, comme j'en dis et écris bien d'autres. Pourquoi ? Par plaisir, d'abord, c'est le premier point et le plus important pour moi. Ensuite, parce que je le pense. Et je me retiens d'ajouter: parce que c'est vrai. Je me moque bien, après cela, de ce qu'on peiit dire de moi, en bien ou en mal. Je profite de l'occasion pour l'apprendre à ces mes- sieurs et dames qui me prêtent de si jolis mobiles pour les petites choses que j'écris. Je n'ai qu'un nuage à mon ciel, c'est que je voudrais bien avoir du talent et que, souvent, je ne m'en trouve guère.

Mais je reviens à la Jacqueline de M. Sacha Guitry. Je vous ai parlé du grand talent de M. Henri Duvernois. L'idée maî- tresse de la pièce lui revient, puisqu'elle n'est que la mise à la scène de sa nouvelle. Pourtant lisez Morte la héte... étaliez voir Jacqueline. Vous verrez le merveilleux travail dramatique de M. Sacha Guitry et si les gens qui le jugent seulement sur ses côtés d'amuseur sont dans le vrai. Ce n'est pas trop dire qu'il a encore augmenté les mérites et l'intérêt de la nouvelle. Si rare est le fait, les œuvres littéraires portées à la scène s'en trouvant généralement diminuées, qu'il vaut d'être signalé, M. Sacha Guitry a resserré, condensé, écrit un dialogue extrê- inement plein et bref et atteint par là à une force d'impression étonnante. Par exemple, le personnage de Jacqueline ne paraît pas. C'est un personnage dont il est seulement question dans la pièce, dont parlent les autres personnages, rien de plus. Mais la manière dont ils en parlent est si vivante, si pénétrante, que pendant toute la partie du premier acte qu'il est question d'elle, jusqu'au moment qu'on apprend qu'elle est morte, on s'attend à la voir entrer en scène et prendre part à l'action comme les autres. Même les modifications, les changements qu'a apportés M. Sacha Guitry ont servi l'intérêt de la pièce. Un des person-

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