Page:NRF 18.djvu/93

Cette page n’a pas encore été corrigée

CHRONIQ.UE DRAMATIQUE 87

me suppose un calcul intéressé au moins littérairement. Que M. Henri Duvernois, lui tout au moins, se rassure. Je n'ai rien à lui demander. Je ne songe pas du tout qu'il est un des directeurs des Œuvres libres et je ne le flatte pas en vue de lui porter un manuscrit. Je n'ai pas de manuscrit. J'ai dit que je suis changeant dans mon travail et qu'il suflit que j'aie à écrire une chose pour m'intéresser bien plus à une autre. J'ajoute à cela de manquer complètement de patience et d'assiduité. Un roman ! même une simple nouvelle ! J'admire les gens qui écrivent de ces choses. J'admire encore plus ceux qui peuvent passer un an ou deux à écrire un livre de deux ou trois cents pages. Comment font-ils ? Comment peuvent-ils s'intéresser pendant si longtemps au même sujet ? n'en être pas fatigués, lassés, distraits ? Certes, j'aime écrire. Je crois même que je n'aime que cela au monde, — avec le plaisir de ne rien faire, de rêver, seul, silencieux, assis dans un bon fauteuil. Mais quoi que j'écrive, et si fort que cela me plaise, quand j'ai atteint quinze pages de mon écriture, qui équivalent à peu près à quinze pages de cette revue, il ne faut pas m'en demander plus, que j'aie fini ou non. Mon entrain est à bout, j'ai déjà commencé à penser à autre chose, l'intérêt est épuisé pour moi, j'ai besoin de changer, et plutôt que de poursuivre si je n'ai pas fini, je tourne court, je termine au petit bonheur, laissant au lecteur, si j'en ai un, le soin de s'imaginer à sa guise ce qui aurait dû suivre. Je n'ai donc rien à proposer à M. Henri Duvernois. Pourquoi j'ai parlé de lui comme je l'ai fait plus haut ? Mon Dieu ! c'est bien simple. C'est pour la même raison que tout ce que j'écris. Je connais, pour avoir vu ses manuscrits et ses épreuves, la façon d'écrire qu'avait Paul Adam, et, je le disais de son vivant, je le tiens pour un sot littéraire, ampoulé, fumeux et illisible. Je lisais, ces jours-ci, sur son compte, des articles dithyrambiques qui me faisaient bien rire. Cet homme qui demandait, au début de la guerre, qu'on formât une légion de tous les civils décorés de la Légion d'honneur ! On mesure la niaiserie d'un homme, à une telle idée. Il m'arrive quelque- fois d'ouvrir les romans de M. Paul Bourget, petits, prétentieux, niais. On n'est pas plus comique par le sérieux guindé et l'air grand monde que ce penseur et ce moraliste. J'ai horreur de Flaubert, que je ne puis lire, qui me fait pitié pour son artisterie

�� �