Page:NRF 18.djvu/92

Cette page n’a pas encore été corrigée

86 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

moqueur, dénigreur, tournant tout en caricature, toujours porté aux critiques les plus vives. On assure même que cela tient chez moi aux motifs les plus flatteurs : je suis envieux, jaloux, aigri, sans respect pour rien, j'ai de petites vengeances à exercer, je me paie de mes déceptions, je n'écris ainsi que par dépit. Un jour, je suis allé entendre réciter des vers de quel- ques-unes de nos muses. Je n'ai pas trouvé ces vers très poé- tiques et je l'ai dit. Sait-on la raison qu'a inventée Madame Au- rel, que j'avais célébrée elle-même comme la muse de l'amphi- gouri ? Celle-ci : ne pouvant rien obtenir des femmes, je me vengeais en les attaquant. Elle n'oubliait qu'un petit détail. On donnait, en eiïet, le même jour, un petit drame de Madame Ra- childe qui ne m'avait pas déplu et dont j'avais dit du bien. Du moment que j'égratignais parce qu'on m'avait évincé, si je faisais des compliments.... On en a bien ri au Mercure. Madame Aurel prétend aussi que si je parle si souvent de sa personne, c'est par dépit de n'être jamais invité chez elle. Là, c'est ma vanité qui est en jeu. On a un salon, on ne m'in- vite pas, — moi qui ne vais nulle part ! — donc, je critique. De quoi se plaint-elle ? Je ne manque pas une occasion de le dire : elle est unique. Elle écrit comme personne n'a jamais écrit. Elle a recréé la syntaxe et donné un sens nouveau à tous les mots. Molière n'a pas peint une femme savante ni une précieuse ridicule plus réussie. Elle sait très bien que malgré ses livres, ses articles, ses réceptions, ses conférences et ses notes à tous les journaux, elle est très peu connue. Je travaille à sa réputation, en parlant d'elle ! Préférait-elle que je me moque d'elle, comme font certaines gens qui passent leur temps à lui donner des surnoms, dont le dernier : La Femme à bardes, pour sa ménagerie de poètes, est peut-être le meilleur? Enfin, dernier exemple, dans un portrait d'ailleurs merveilleusement iait sinon exact, le directeur d'une jeune revue a exprimé récemment cette opinion que pour persifler ainsi sans cesse je devais être diminué dans mon être physique. Bossu, proba- blement ? Il est vrai qu'au lieu d'une diminution, ce serait plutôt là une augmentation. Tous ces gens sont bien drôles. On ne peut écrire, à les entendre, sans arrière-pensée : ressen- timent ou intérêt. Je ne serais donc pas étonné, devant le bien que je dis aujourd'hui de M. Henri Duvernois, qu'oa

�� �