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CHRONIQUE DRAMATIQJJE 85

devant lui. Une seule fois, j'ai failli lui parler, à la première de Pasteur. Il était à côté de moi dans une baignoire. J'avais envie de me montrer, de me présenter moi-même, et de lui dire, comme je le pensais : « Eh ! bien, vous avez fait, cette fois-ci, ime bien fichue chose. Je ne vous en fais vraiment pas com- pliment. » Il est probable que nous en aurions ri tous les deux. Comme on le voit, pour un écrivain, je suis original au moins dans mon caractère. Je laisse à d'autres, plu;:, favorisés, comme Madame Aurel, par exemple, de l'être dans ce qu'ils écrivent et d'être si quelconques dans leur personne.

Pour la première fois, je crois, M. Sacha Guitry, avec Jacqueline, nous a donné une pièce dont le sujet n'est pas proprement de lui. Il a porté au théâtre une nouvelle de M. Henri Duvernois : Morte la bête... parue dans le premier volume des Œuvres libres. On connaît M. Henri Duvernois. C'est un conteur de grand talent. Il n'est pas un conte, une nouvelle de lui qui n'ait son intérêt, qui ne donne du plaisir à lire, qui n'ait, bien mieux, ce mérite qui compte en littéra- ture : être de lui, être du Duvernois, et non pas quelque chose de ressemblant à la production courante. Je mettrai à côté de lui M. Frédéric Boutet, également écrivain de contes et de nouvelles, dans lesquels il y a toujours quelque chose, un détail d'analyse, d'observation, de vérité ou d'émotion^ qui retient^ amuse, émeut ou fait rêver. J'ajouterai, en ce qui concerne M. Henri Duvernois, que sa philosophie litté- raire, le domaine de ses idées, non seulement n'est pas médio- cre et froid comme chez beaucoup d'autres conteurs, mais au contraire a toujours de la générosité, de la bonté, de l'élé- vation, sensible et humaine, faite tout ensemble d'intelligence et d'indulgence. J'ai la faiblesse d'être intéressé par cela aussi. Dirai-je encore, avec ma manie de considérer les hommes autant que leurs œuvres, que l'homme, chez M. Henri Duver- nois, paraît valoir l'écrivain, discret et eiîacé comme il est, au contraire de tant de cabotins et cabotines littéraires qui se mani- festent à chaque instant et, jugeant qu'on n'imprime pas assez leur nom, l'écrivent eux-mêmes dans tous les endroits qu'ils peuvent trouver. Je m'attends bien à surprendre en écrivant tout ce qui précède. Je n'ai pas l'habitude de faire ainsi des compliments. Il paraît que je suis généralement méchant.

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