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151ÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE 79

Comme toute la littérature de guerre appartient à ces trois types (je laisse de côté le goguenard, qui nous a donné les savoureux Mémoires d'un Rat), il n'est pas étonnant qu'elle fasse beaucoup de fatras. Ou plutôt ces trois types ont pu nous ren- dre bien des moments et des sentiments vrais, même le pre- mier, souvent très sincère, mais ils étaient incapables par défi- nition de faire voir le vainqueur dans l'acte et le moment de sa victoire. M. Gaudy me paraît l'avoir fait. Ni en 1914 ni en 1918 il n'y a eu de miracle de la Marne. Il y a eu la volonté et la raison, l'organisation militaire, qui est la poi- gnée de l'arme, aboutissant inflexiblement à la pointe, la pointe victorieuse qui tient, claire et dure, dans ce livre.

V Agonie du Ment-Renaud est un épisode de la bataille de Paris, faite de milliers d'épisodes semblables. Une bataille qui s'est terminée par la victoire comme la bataille de 187 1 s'est terminée par la défaite. Or M. Paul Gsell vient de recueillir parmi des Propos d'Anatole France, le récit d'une affaire de 1871 dans laquelle figura l'illustre Maître, alors garde national, et qui m'induit à bien des réflexions quand je la lis après V Agonie du Mont-Renaud.

« Le commandant de notre bataillon était un gros épicier de notre quartier. Il manquait d'autorité, il faut le dire, car il cherchait à ména- ger ses pratiques.

Un journous reçûmes l'ordre de participera une sortie. On nous envoya sur les bords de la Marne. Notre commandant était splendide sous son uniforme tout flambant qui n'avait jamais servi... Comme il faisait caracoler sa bête, elle se cabra de toute sa hauteur, tomba sur le dos et tua net notre commandant, en lui cassant les reins.

Nous regrettâmes peu notre chef. Nous primes le parti de nous arrêter, de rompre les rangs et de nous allonger sur l'herbe de la berge. Nous y restâmes couchés toute la matinée, puis tout l'après-midi. Au loin l'artillerie tonnait... Nous n'eûmes garde de marcher au canon.

Vers le soir, sur le chemin qui dominait la rive, nous vîmes des marins courir. Beaucoup étaient noirs de poudre. Des blessés portaient des bandages sanglants. Ces braves gens s'étaient bien battus, mais ils avaient dû céder à la mauvaise fortune.

Quelle idée nous vint ? Nous nous mîmes à crier : Vive la flotte !

Cette exclamation que les matelots jugèrent ironique, eut le don de les courroucer. Quelques-uns foncèrent sur nous baïonnette en avant. Ceci nous parut dangereux. Nous quittâmes précipitamment les ■talus gazonnés et nous gagnâmes du terrain. Comme nous étions bien

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