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72 ' LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

vivante et de protestation éternelle. Les soldats de Napoléon •étaient aussi des grognards, mais comme la presse libre n'avait •existé ni sous le roi, ni sous la République, ni sous l'Empereur, aucune littérature ne leur avait appris à grogner en musique, et •c'est pourquoi leur grognement n'a eu aucune expression litté- raire. En 1914 le roman naturaliste n'était nullement mort, il .avait même une académie presque à lui seul, celle de M. de Concourt ; il se montra tout de suite un peu là.

Ces deux littératures prévues ont fourni des œuvres d'un haut intérêt. On pourrait mettre sur le rayon de Servitude et grandeur militaires l'admirable Capitaine de M. Antoine Rcdicr. Peu après la guerre l'officier qui signait Jean des Vigiies-Roucrcs a publié un ^ow un chef! qui devrait se trouver dans toutes les bibliothèques de quartier des lycées. Et, une fois abattu le déchet de l'artificiel et du truqué, on recueillerait bien des colonnes de telle anthologie morale. Quant aux centaines de récits de la vie militaire, c'est par leur masse qu'ils valent, plutôt qu'indivi- duellement. Ils forment un tas, un bataillon. Je connais quel- ■qu'un qui, les ayant religieusement collectionnés, en a garni un réduit en forme de cagna, avec des rondins et les petites femmes d'Hérouard. Ils sont reliés en bleu horizon, et portent Jes galons rouges, argent ou or, qui indiquent le grade de leur auteur. Cela ne ferait pas mal dans la maison de M. Pierre Loti, entre le salon turc et la chambre japonaise. Heureux qui comme Ulysse...

Et pourtant il eût pu et dû sortir autre chose que ces deux types prévus. Quoi ? Il me semble que je le vois à peu près •après avoir lu V Agonie du Mont-Renaud de M. Ceorges Gaudv. S'il me fallait faire un classement des livres de guerre, donner des rangs, je crois bien que c'est celui-là que je mettrais le pre- mier. Mais il est probable que dans un jury j'appartiendrais à la minorité. Je vais donc donner mes raisons.

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��Ce n'est pas qu'on y trouve de grandes qualités littéraires. Le style est d'une correction terne, et rien ne séduit moins : peut- être M. Gaudy est-il instituteur, ou exerce-t-il une profession analogue. Ajoutons que le livre est peu vivant. L'auteur réussit

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