CHRONIQUE DRAMATIQUE ' 74 1
•quand je ne pouvais les acheter et qu'elles ne me disent plus rien maintenant 'que je pourrais les avoir. Le fauteuil sur lequel je me repose, dans mon cabinet, est tout défoncé. La chaise sur laquelle je m'assieds pour écrire a un montant de son dossier cassé. Le sommier sur lequel je couche est bien fatigué. Mes livres, mes papiers, s'empilent les uns sur les autres, sur une vieille commode, et je dois souvent renoncer à lire plutôt que de déranger tout cela. Eh ! bien, je m'en contente. C'est assez bon pour finir ma vie. Ce serait folie d'acheter maintenant des choses dont je jouirais peut- être si peu. Je n'ai plus de goût, je ne me sens plus d'attrait que pour l'inutile, le superflu, ce qui fait uniquement plaisir. Ce qui est utile me fait horreur. Et encore, ce superflu qui me fait plaisir, aussitôt que je l'ai je m'en moque.. » Nous marchions tous les deux vers le théâtre et Billy me donnait de ses nouvelles, depuis si longtemps que je l'avais vu. J'appris ainsi qu'il vient de terminer, avec Jules Bertaut, une pièce sur Balzac, ayant pour titre le nom même de l'écri- vain et montrant celui-ci au milieu des personnages de. son œuvre. On connaît l'histoire de Balzac avec la duchesse de Castries, qui lui servit de modèle pour la duchesse de Lan- geais. La pièce le montre aux prises avec elle. Il a pour rival le baron du Tillet, qui l'emporte, il est ruiné dans l'affaire Nucingen, saisi, vendu, arrêté et conduit à Clichy. En un mot, une idée curieuse, consistant à donner aux héros du romancier la même réalité qu'à lui-même. Comme j'en fai- sais compliment à Billy : « Mais dites donc, me dit-il, vous savez que nous devons toujours écrire une pièce ensemble. Quand vous déciderez-vous ? » C'est vrai. Voilà plusieurs années que nous avons fait le projet d'écrire une pièce tous les deux. Sur quel sujet, avec quels personnages, dans quel ton, nous ne le savons guère ni l'un ni l'autre. Dans ma pensée, c'était un petit acte, sur un sujet libertin, pris dans la réalité. Je voyais trois personnages : un mari, une femme, un amant, dans un petit milieu bourgeois. J'avais les premières répliques et celles de la fin. Dans ma pensée, Billyferaitle reste. J'y ai renoncé. Je me méfie du théâtre, depuis que j'ai vu tant de pièces, et j'ai profité de notre rencontre pour le dire à Billy. « C'est trop difficile, mon cher. On risque trop de se
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