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CHRONIQUE DRAMATIQ.UE 737

elle commence, c'est, à l'autre bout, passé la muraille noirâtre de Saint-Sulpice, l'éclaircie soudaine de la place Saint-Sulpice, comme un grand espace de lumière. Quand on la regarde de la place Saint-Sulpice, elle semble fermée, à l'autre extrémité, par le côté gauche de la rue de Condé et la vieille maison élégante et sobre, aux hautes fenêtres garnies de glycines, au rez-de- chaussée de laquelle la papeterie Gallin-Fuzelier a ses magasins. Parcourez-la maintenant dans sa partie la plus agréable, celle comprise entre la rue de Condé et la rue de Tournon. A gauche, un serrurier, une crémerie, un rétameur, un anti- quaire, une fruiterie, une herboristerie, un marchand de cuirs, un autre antiquaire. Il y a même, au numéro..., au premier étage, une Madame X..., qui fait, de dix heures à sept heures, des massages sur lesquels la confusion n'est pas possibie. J'ai appris cela tout récemment, en lisant par curiosité une petite feuille qui fait sa spécialité de ces annonces, et, l'autre matin, comme je passais dans la rue, j'ai vu entrer là l'écrivain..., qui me connaît moins que je le connais, et qui ne se doutait guère que je le regardais. Encore un qui n'a pas dû faire un bon mariage pour qu'il ait ainsi le besoin de se faire masser d'aussi bonne heure.

Du côté droit, un libraire, un antiquaire, un deuxième anti- quaire, une fruiterie, une lingerie, une teinturerie, une bou- tique de vieux étains, une autre teinturerie, dans laquelle il y a un chat siamois gâté comme un enfant et qui se prélasse dans la montre, au milieu des dentelles et des étoffes. Il y a quelque temps, j'ai vu, chez ce deuxième antiquaire, une vieillerie que j'ai bien failli acheter. C'était un théâtre en carton, dans le o-enre de ceux qu'on fait comme jouets pour les enfants. 11 n'était pas laid, toutes ses couleurs un peu fanées. J'ai été arrêté par le prix que je pensais qu'on me ferait et par la scène mythologique que représentaient les personnages qui le gar- nissaient. Je n'ai aucun goût, en effet, pour la mythologie ni pour tout ce qui touche à l'antiquité. Je me moque complète- ment des Grecs et des Romains et de ce que pouvaient faire et penser tous ces gens-là. J'aurais voulu une scène de la comiédie italienne ou des personnages de notre théâtre comique. N'est-ce pas dans un livre de M. Henri de Régnier que j'ai lu qu'on trouve quelquefois, en Italie, chez des antiquaires, de ces

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