Page:NRF 18.djvu/740

Cette page n’a pas encore été corrigée

734 L^ NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

une Cannebière à Paris, Comme ils sont souvent éloquents et charmants, nous nous laissons séduire par eux, et un bon Tourangeau comme Jules Lemaître en arrive -à écrire son article comique sur les Littératures du Nord. La question na- tionale des Bastions de l'Est vient encore compliquer la ques- tion intellectuelle et esthétique, et cela oblige les ducs de Lorraine à toute une diplomatie compliquée. Et moi-même qui aime le romantisme et qui aime le Midi, qui les aime Jus- que dans leurs exagérations, je ne laisserais pas d'être assez embarrassé, comme le petit Sylvestre Bonnard entre l'oncle demi-solde et le vieux chouan, ayant à ma table ces deux en- nemis, si la bouteille n'était là pour faire la liaison.

Je dis la bouteille. M. Daudet termine ainsi son article sur Victor Hugo : « La remise au point de cette renommée tapa- geuse mesurera la sagesse nationale et nous épargnera peut- être des crises inutiles. Car le romantisme a parfois d'éclatantes couleurs, mais la fausse oronge aussi ; et elle tue. » Avant- hier, je lisais dans V Action Française un article fort bien pensé et encore mieux écrit, appelant tous les recte et les optime, où M. Daudet défendait puissamment le vin contre les attaques insidieuses des buveurs d'eau. Un de ceux-ci ayant essayé un jour de le convaincre que le vin empoisonnait, M. Daudet, parait-il, éclata d'un grand rire olympico-rabelaisien, et le tint avec raison pour fou. Fou, je crois, comme celui que pré- sentait un employé du directeur, chargé de faire voir l'asile à un médecin : ce Figurez-vous que ce malheureux se croit Jésus- Christ ! » Le Aisiteur convenait en effet que c'était une grande folie, mais point rare. « Et ce n'est pas tout ! continuait le cicérone. Savez-vous à qui il vient raconter cela ? A moi, qui suis Dieu le Père ! » L'interlocuteur hydrophile de M. Daudet s'adressait peut-être à Dieu le Père, je veux dire à un parti-pris du même tonneau que le sien. Ceux que le romantisme tue sont, comme ceux que le vin tue, des gens déjà tués un peu, dirait Ubu. Les noms des poètes romantiques ressemblent à des noms de crus, et nous disons la Légende des Siècles comme on dit la Romanée. « Cela tue ! » crie M. Daudet horrifié. Irai- je dépasser le vocabulaire d'injures qu'adresse, et parfois qu'encaisse, AL Daudet, et qualifierai-je le romanticophobe des Œuvres dans les Hommes de buveur d'eau ? Sovons modérés ! Il

�� �