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RÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE 7^1

n'entend pas par mauvais maîtres de faux maîtres, mais des maîtres dangereux. « Le bon maître est celui qui nous emporte vers un idéal de force et de lumière ; le mauvais est celui qui nous berce dans le trouble de l'esprit et dans le frisson des sens. » Sa critiqué est donc une critique morale, ou plutôt moraliste, ou encore civique, et son livre une étude (et non la première) sur la maladie du xi.V siècle, comme un des prochaias livres de M. Daudet, homme aux épithètes excessives, en sera une sur ce siècle « stupide ». Parmi les bons maîtres, les maîtres réconfortants, il cite Lamartine, Vigny, Hugo, Ibsen, Tolstoï, Wagner (ce qui fait bien des tempéraments au méridionalisme qu'arboraient les phrases oratoires de tout à l'heure). Pour M, Daudet, au contraire, Hugo est le type du mauvais maître, Zola représente le romantisme de l'égout. M. Carrère place bien Zola dans son Enfer, mais en l'admirant profondément, et avec autant de regi'et qu'en éprouve Dante de voir chez le diable son maître vénéré Brunetto Latini. M. Carrère, plus méridional ici (j'allais dire plus toulousain) que M. Daudet, estime en Zola le rhéteur latin, l'homme qui bâtit, comme Cicéron Branquebalme, des aqueducs romains. La Cloaca Maxinia, rectifierait M. Daudet. Mettons un aqueduc d'eau bourbeuse. Jaurès, Gasquet, ont appartenu à ce Aiidi, et ils ont littérairement souft'ert du déclassement des valeurs oratoires depuis un demi-siècle. M. Carrère, critique orateur, aime les écrivains orateurs. Le beau courant oratoire de son livre nous le fait lire, d'un bout à l'autre, sans un moment de fatigue ; toute son étude sur Flaubert le Viking est un morceau entraî- nant et éclatant, qui eût ravi Taine, et que les flaubertîstes auraient bien tort de négliger.

On doit en dire autant, à plus forte raison, de M. Daudet. On peut faire des reproches à sa critique, et je n'y manquerai pas, mais pas en tout cas celui d'être ennuyeuse. Elle nous amuse comme un roman, et il se voit que M. Daudet s'est amusé à l'écrire plus peut-être qu'à écrire un roman. Quand il nous annonce que ses études seront a d'une complète objecti- vité » et qu'il ne nous dira pas : « j'aime ou je n'aime pas ! », nous nous contentons de « zuzer un peu » ce que nous lirions si elles étaient subjectives et si elles nous exposaient bonnement les amours et les haines de leur auteur ! Le titre

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