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750 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

bien que certaines « barbaries tumultueuses » s'y soient donné rendez-vous, nous avons moins de mal que ne le prédisait le bouillant Provençal Isnard à chercher sur les rives de la Seine l'endroit où il a existé. Les Méridionaux, qui n'entendent pas toujours bien la plaisanterie, se sont scandalisés des galéjades dyspeptiques d'Huysmans, qui regrettait que le Nord de la France ne fût pas resté aux Anglais, et rêvait d'un royaume anglo-français, purifié d'éléments méridionaux, où l'ail non content d'être si fâcheusement exclu des gigots parisiens, ne se fût plus trouvé, comme en Suède, que che2 les pharmaciens. Huysmans et M. Carrère nous disent pareillement, avec Sgana- relle : Voilà une jambe que je me ferais couper ! L'un veut couper la droite et l'autre la gauche. Qu'ils aillent au diable ! Bourguignon, l'échancrure de Genève et de Coppet m'est pres- que aussi précieuse que Lyon appelée par Roumanille la porte d'or et de soie du Midi.

Les Méridionaux qui, en dénonçant la maladie romantique, veulent nous amputer d'une jambe, ne sont plus bien d'accord sur la hauteur à laquelle il faut couper. Un jour, dans la char- mante station de Montmirail où il allait volontiers faire une saison, comme on dînait sous les platanes, Mistral s'entre- tenait, avec le Père Xavier, des papes : un petit abbé, qui écou- tait respectueusement le poète et le prémontré, étonné de certaines affirmations, demanda avec timidité : « Mais, mon- sieur Mistral, de quels papes parlez-vous donc? — Des vrais, répondit le poète, ceux d'Avignon ! » Je ne sais si Mistral et Dom Xavier de Fourvières s'entendaient fort bien à ce sujet, mais il me semble que pour M. Daudet « les vrais » ne sont pas les mêmes que pour M. Carrère : d'Avignon à Villeneuve, il n'y a qu'un pont (et où l'on danse) et cependant l'on change de département.

M. Carrère appelle Mauvais Maîtres Rousseau, Chateau- briand, Balzac, Stendhal, George Sand, Musset, Baudelaire, Flaubert, Verlaine, Zola. Il place même parmi les mauvais maîtres du passé son compatriote Montaigne (ce qui montre qu'il ne faudrait pas l'accuser de fanatisme local). Il ne les combat pas sur le terrain littéraire. Il reconnaît le génie de la plupart d'entre eux, mais considère la beauté de leurs oeuvres comme d'autant plus pernicieuse qu'elle est plus parfaite. Il

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