Page:NRF 18.djvu/718

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Je viens en homme raisonnable qui vous demande pardon de tout ce qu’il a fait ou dit depuis le jour qu’il vous a vue…

Elle voudrait l’arrêter, mais il lui baise encore les mains.

— Pauvre amie, avons-nous assez quintessencié et coupé des cheveux en quatre. C'est votre faute aussi : Pourquoi me braviez-vous avec votre héroïsme ? Il faut croire que c’est bien français ce goût des acrostiches de sentiments. Si nos voisins en font des gorges chaudes, ils n’ont pas tort. Mais il y a, Dieu merci, notre bon sens qui finit toujours par avoir raison. Alors c’est entendu, n’est-ce pas ? Désormais nous serons sincères.

Elle essaie de dégager ses mains :

— Je le veux bien, dit-elle d’une voix qui tremble un peu.

— C’est-à-dire que jamais nous ne jouerons au plus fin l’un avec l’autre. Il faudra terriblement changer d’habitudes. Enfin nous nous y efforcerons, si vous voulez.

Comme il lui a rendu la liberté de ses mouvements, elle reprend de la hardiesse :

— On croirait que nous dissimulons des sentiments bien honteux… C’est entendu : nous essaierons. Mais d’abord dites-moi que cette pièce est joliment aménagée.

Il en fait le tour avec des remarques sur les meubles. Ils discutent une couleur, heureux tous deux de ce répit. Arrivé près de la table, il prend le livre qu’elle y a laissé grand ouvert :

— Que diable lisiez-vous ?

Il regarde le titre.

— Comment, vous si vraie, pouvez-vous trouver du plaisir à une pareille sottise ?

— Peut-être parce que je suis sotte. Mais ce roman est-il plus absurde qu’un autre ?

— Essayez de me raconter ce qui s’y passe.

— Non, c’est trop ridicule.