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LE CAMARADE INFIDELE 7O9

Il tire de sa poche une cisaille et se dégante, ce qui laisse voir la peau déchirée de ses mains.

— Vous vous êtes blessé ! s'écrie-t-elle.

— Ce n'est rien.

Et pour couper court, il remet ses gants. Mais elle insiste :

— Qu'avez-vous donc fait ?

— Il y a huit jours, je suis venu frayer le dernier pas- sage que nous avons suivi.

Elle dit, les larmes aux yeux :

— Vous avez pris cette peine!... et vous allez encore vous mettre en sang.

— Il ne s'agit pas de moi, répond-il avec impatience ; et ce n'est pas un lieu où s'apitoyer sur des égratignures... Allons, m^on gars, grimpe sur mon dos, ou tes mollets resteront dans le barbelé.

La recherche dure plus longtemps qu'il n'avait prévu. Elle est récompensée, à défaut du casque, par une ample moisson de cartouches, de fusées et de bidons. Un instant ils croient s'être égarés, car sur le sentier ils ne retrouvent pas Clymène. La voici pourtant qui revient ; ce ne peut être que du champ d'entonnoirs où elle est retournée, mue par quelle attente ou quel repentir ? Elle marche les yeux à terre, la robe déchirée, tenant un petit bouquet de fleurs jaunes déjà pendant et flétri. C'est à peine si elle sourit à la joie d'Antoine, et pressant le pas pour passer devant, elle ne prononce pas un mot jusqu'à la route.

Ce point où la chaussée fait dos d'âne et coupe le chemin de crête, c'est là, Vernois le comprend bien, que sa mission s'achève et qu'il devrait dire à Clymène : « La voiture vous attend au bas de la côte ; vous n'avez plus besoin de moi. Descendez sans vous retourner, et quand je vous aurai vue disparaître au premier coude, je m'en irai moi-même par l'autre versant. » La voici qui pose le pied sur la route, qui s'arrête pour reprendre souflîe, échappée au cauchemar des nappes de fil de fer; elle

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