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LE CAMARADE INFIDELE 699

d'ampleur qu'en ses sœurs, certaines vertus et certains défauts de notre famille. Son mariage n'avait pas compro- mis notre intimité. Je ne pouvais exiger de son mari qu'il ne fît pas valoir auprès d'elle ses propres idées ; mais je lui rends grâce de s'y être toujours pris discrètement. S'il est intervenu avec quelque raideur entre sa femme et moi c'est, chose paradoxale, depuis qu'il est disparu. Je préci- serai : surtout depuis six mois.

— Oserai-je, dit Vernois, vous demander par quoi se marque plus précisément ce que vous appelez l'intervention d'Heuland ?

— Si je vous réponds : par un esprit de révolte, vous risquez de voir en moi ce maniaque de l'autorité qu'on imagine en tout militaire ; mais les circonlocutions ne feraient que rendre avec moins de netteté le sens de ces mots-là. Je fais la part de la douleur, mais je suis chagriné par l'amertume. M""" Heuland n'est pas de ces femmes qui formulent volontiers leurs préoccupations. Une phrase fortuite, une incidente laisse inopinément apercevoir le travail qui s'est fait ern elle. Ce sont des éclats presque sans voix ni regard, mais qui dénotent l'inquiétude, le malaise, et qui, me semble-t-il, se sont multipliés ces derniers temps.

Piqué par un mauvais sourire que Vernois n'est pas attentif à réprimer, le général poursuit :

— Ce qui m'irrite, ce n'est pas telle ou telle idée, mais la manifestation de tendances tout à fait étrangères à la vraie nature de ma nièce. D'entre nous tous, elle est la plus aristocrate, car elle l'est en profondeur. Elle est la plus racée. Jamais elle n'avouera combien elle a dû souffrir auprès de ce pauvre Heuland, elle qui n'a pas le goût de la fortune mais qui pousse jusqu'à la préciosité certaines élégances du cœur. Nous ne l'avons compris que trop tard : elle était faite peur épouser un homme de même éducation qu'elle, de mêmes préjugés^ si le mot vous paraît plus sincère ; un homme qui eût des hérédités plus

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