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69<3 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

— Mon vieux, que c'est pénible ! Je ne puis pas y penser de sang-froid. Et qu'est-ce que tu lui répondais ?

— Je tâchais de lui faire comprendre le désordre où vous êtes, le dégoût, l'incertitude qui vous porte à violenter les problèmes plutôt qu'aies résoudre... Ecoute-moi tranquil- lement ou je me tais !... Je lui montrais ce qu'il peut y avoir de noblesse dans cette déformation, tant qu'elle est récente, angoissée, tant qu'elle est un effort et non une capitulation — à la différence de ce qu'elle risque d'être un jour, si elle devient habitude, principe, ;dépérissement, fin de tout.

Vernois s'essuie le front :

— Que veux-tu maintenant qu'elle pense de moi ?... Oui, je te remercie de m'avoir défendu et d'avoir même un peu triché en ma faveur ; mais dans ces conditions, tu penses bien que je ne me soucie pas de la revoir. Qu'est-ce qu'elle peut conclure de ce que tu lui as dit ? Que je men- tais en affectant de l'aversion pour M"'-^ Gassin ? Nous pataugeons dans les soupçons, les indiscrétions. Non, la situation est inextricable ; tant mieux si le général y met le holà.

Il a dans les yeux des larmes de dépit ; Thomas fait comme s'il ne les avait pas aperçues :

— Mes pauvres enfants, dit-il, je vous vois vous dé- battre dans vos fidélités, vos points d'honneur. Mais com- ment ne pas se demander si ces renchérissements^ ces défis, si toute cette chevalerie n'a pas déjà dépassé le moment de sa fraîcheur, autrement dit, si déjà vous n'en êtes pas à l'amour-propre de la gageure, à l'obstination dans une lettre qui n'est plus tout à fait vivante. Ton affection pour ton camarade...

— Dis loyauté, c'est bien suffisant. Non, ne me parle pas de lui. Depuis six mois que je fréquente sa maison, je crois que je serais soulagé, l'animal, en le dotant, s'il était là, de la bonne paire de cornes qu'il a si bien méritée. Il n'y est plus malheureusement !

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