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LE CAMARADE INFIDÈLE 68^

la vérité, je ne saurais pas trouver d'autres preuves ? Pour- quoi faites-vous le cruel, vous qui êtes bon ?

Collée à lui) elle a passé les bras autour de son cou, et soudain elle lui baise éperdûment la figure. Il se dégage avec brusquerie et peu s'en faut qu'il ne tire son mouchoir pour s'essuyer. Ils se dévisagent, mais comme dans un brouillard, aucun d'eux n'étant sûr d'avoir compris ce qui vient de se passer chez l'autre.

— N'allez pas croire, murmure-t-elle... Donnez-moi seulement mes lettres...

Ah, s'il pouvait entendre tout à coup le ronflement des chaudières et rouvrir les yeux sur les éclatants tissrs qui sortent tout ruisselants des bains colorés ! Il finit par répondre :

— Mademoiselle, je ne suis pas fat... Et si vous saviez comme j'ai peu de loisirs... pour rêver à ce qui n'est pas mon travail !...

Elle reprend, sans plus oser le regarder :

— Ce n'est pourtant pas votre travail... qui vous ramène ici tous les quinze jours.

— Ce n'est pas l'amour non plus. Mademoiselle...

La gêne de chacun des deux s'augmente de ce qu'il croit avoir en face de lui un adversaire parfaitement maître de ses moyens.

— Etant petit, reprend Vernois, j'ai trop souffert des contrecoups de la passion pour ne pas la détester et la craindre... J'ai vu des hommes que j'aimais, trop cruelle- ment humiliés... Je bénis mon frère d'avoir osé me dire, quand je n'étais encore qu'un très jeune homme, qu'on doit céder au corps ce qu'il demande, pour qu'il ne dévore pas les sentiments... Pardonnez-moi devons parler avec cette crudité... Je tâche d'être sincère avec vous.

— Vous réservez le mensonge pour M""^ Heuland, dit- elle rétractée par l'humiliation, et plus que je n'imaginais d'abord... car non seulement vous lui brodez un mari qu'elle n'a jamais eu, mais vous vous servez du mari pour

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