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682 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

de VAtlaniiiie, car il en fait l'usage le plus divertissant et le plus cocasse qui soit. Son esprit primesautier, son bon garçonnisme, sa « vieille gaieté française », qui tiennent à la nature de Benoît, ont été sans aucun doute confirmés et développés par cette forme de culture. Dépouillé de son romantisme de pacotille, il apparaît désormais sous son véritable aspect, celui d'un boute-en-train sans prétention. Pourquoi lui résister dès lors qu'il ne veut pas s'en faire accroire et ne prétend qu'à amuser? « Qu'il fasse son métier, qu'il nous amuse ! » comme il le disait de lui- même dans sa conférence du 3 mars dernier.

La place toujours plus grande qu'il fait dans son œuvre à la gaieté et à la satire laisse entrevoir la possibilité pour Benoît de nous amuser l-ongtemps encore. Mais il faut qu'avec sa lucidité coutumière il en vienne à se rendre compte qu'il risque de devenir monotone et ennuyeux en se répétant. Après Pour Don Carlos, la Chaussée des géants, soit, mais il ne faudrait pas que Benoît coulât un troisième livre dans ce moule qui a deux fois servi.

Il y a dans la Chaussée des géants des trouvailles comiques irrésistibles (« la salle Raffin-Dugens », « le boudoir Albert Thomas » dans la maison d'un snob britannique), il y a des drôleries satiriques d'une remarquable cocasserie. Si on les rapproche du chapitre sur le « Club des Chevau- légers » de Pour Don Carlos, on se convainc qu'André Billy a tout à fait raison lorsqu'il définit Benoît un auteur gai et l'on en vient à se demander si Pierre Benoît n'est pas destiné à nous donner un jour le roman comique et satirique de la démocratie d'après-guerre, une bouffonnerie qui pourrait tenir de Rabelais par l'abondance des péri- péties, de Voltaire par la fine causticité et qui serait peut- être un chef-d'œuvre authentique.

BENIAMIN CRÉMIEUX

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