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PIERRE BENOIT 68 I

une tirade de M. Homais. changeant les noms, mais con- servant les sonorités Flaubertiennes et le mouvement de la phrase et qu'il écrit : « Mon Dieu à moi, c'est le Dieu de Rousseau, d'Anacharsis Kloots, de Raspail et d'Alain Targé ' », où Flaubert écrivait (le début des deux tirades est aussi à confronter) : « le Dieu de Socrate, de Voltaire, de Franklin et de Galilée », on prend Benoît en flagrant délit de mimétisme. S'il fait défiler des soldats espagnols, une réminiscence de Hugo le contraint à les chausser d'alpar- gaies. Et chose plus curieuse encore, il obéit même à des réminiscences de la « théorie » : « Les soldats libéraux qui étaient derrière leurs faisceaux formés à droite de la route '. » Formés à droite de la route, comme le prescrit le règlement de service en campagne.

On trouverait des échos plus subtils encore de ses lec- tures (plus difficiles à démontrer aussi) en lisant de près Pierre Benoît. Ainsi le vers cité plus haut :

Un soir que je dînais chei Anna Karénine

est-il autre chose qu'un écho du vers de Baudelaire :

Une nuit que j'étais près d'une affreuse Juive.

C'est là pour Benoît le revers de la médaille. Ce don opportun de la mémoire qui le sert si heureusement dans la construction de ses livres le dessert fâcheusement dans leur rédaction. Qualité en deçà, erreur au delà, mais dénotant la même curieuse structure mentale.

Elle est pourtant le signe de la culture de Benoît, cette culture d'humaniste amusé et de chartiste narquois qui, quoi qu'en disent ses détracteurs, en dépit de sa pauvre science psychologique et de la faiblesse de son style, le préservera toujours de tomber au bas niveau des feuilletonistes. Cette culture partout sous-jacente oblige à pardonner ses plus impardonnables négligences à l'auteur

1-2. Pour Don Carlos, p. 90, 285.

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