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ladie, l’œuvre du diable qui s’était emparé de cet homme. Ainsi un malade souffrant de douleurs violentes s’agite désespérément dans son lit cherchant une position qui, ne fût-ce que pour un instant, calmera sa douleur ou, si elle ne l’allège pas, la remplacera tout au moins par une autre, pour une minute au moins. Et alors, il n’est évidemment plus question de savoir si ce changement est beau ou raisonnable. Ce qui domine dans ce document, c’est le besoin formidable, sincère de châtiment, la recherche de la croix à porter, du châtiment public. Mais cette soif de crucifiement vit dans un être qui n’a pas foi dans la croix. « Et cela seul déjà représente une idée », comme s’exprima un jour Stepan Trofimovitch, à propos d’autre chose d’ailleurs.

D’autre part, il y a dans ce document quelque chose de violent, de provocant, un certain défi, bien qu’il ait été écrit dans un tout autre dessein. L’auteur déclare qu’il « n’a pas pu » ne pas écrire, qu’il a été « obligé », et cela est fort probable. Il aurait été heureux de pouvoir écarter de lui ce calice ; mais cela lui a été vraiment impossible, et alors il a encore profité de cette occasion pour donner cours à sa violence. Oui, le malade s’agite dans son lit et essaye de remplacer une souffrance par une autre. Et voilà qu’il lui semble que la lutte contre la société lui apportera un certain soulagement et il lui lance son défi. Le fait même d’avoir écrit ce document est un défi inattendu, un manque de respect envers la société. Il s’agit pour l’auteur de provoquer au plus vite un adversaire quelconque...

Et qui sait, il se peut fort que tout cela, c’est-à-dire ces feuillets destinés à être publiés appartiennent au même ordre de faits que la morsure à l’oreille du gouverneur ! Pourquoi cette idée me vient-elle aujourd’hui, quand tout s’est déjà expliqué, je ne peux le comprendre. Je n’apporte aucune preuve d’ailleurs et ne peux affirmer que le document est faux, c’est-à-dire imaginé de toutes pièces. Le plus vraisemblable est que la vérité est entre ces extrêmes... D’ailleurs, je devance trop les faits ; il