Page:NRF 18.djvu/665

Cette page n’a pas encore été corrigée

quelques secondes il fixa silencieusement Tikhon, paraissant se décider définitivement. Enfin, il retira de la poche de côté de sa redingote des feuillets imprimés et les posa sur la table.

— Ces feuillets sont destinés à être répandus, prononça-t-il d’une voix quelque peu entrecoupée. S’ils sont lus ne fût-ce que par une personne, sachez bien que je ne les cacherai pas et que tous les liront. C’est décidé. Je n’ai nul besoin de vous, car j’ai tout décidé. Mais lisez... Pendant que vous lirez, ne dites rien et quand vous aurez fini, dites tout…

— Faut-il lire ? demanda Tikhon, indécis.

— Lisez ! Je suis parfaitement calme depuis longtemps déjà.

— Non, sans lunettes je ne distingue rien ; les caractères sont très petits ; cela a été imprimé à l’étranger.

— Voilà les lunettes. — Stravroguine les prit sur la table et les lui tendit ; puis il se rejeta en arrière et s’appuya au dossier du divan.

Tikhon se plongea dans la lecture.


C’était cinq feuilles brochées de papier à lettre de petit format qui avaient été en effet imprimées secrètement à l’étranger, probablement dans une imprimerie russe clandestine ; à première vue les feuillets ressemblaient beaucoup à des proclamations. En tête on lisait : de la part de Stavroguine.

Je cite ce document textuellement dans ma chronique (il faut croire que beaucoup le connaissent déjà maintenant). Je me suis permis seulement de corriger les fautes d’orthographe, assez nombreuses, et qui m’ont même étonné, car l’auteur était malgré tout un homme cultivé et qui avait beaucoup de lecture (comparativement). Quant au style, je l’ai laissé tel quel, malgré ses incorrections et même ses incohérences. Il est évident en tout cas que l’auteur n’est pas un écrivain. Je me permets encore une autre observation, en devançant ainsi les faits.

A mon avis ce document est l’œuvre de la ma