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ement dans un ton railleur. Ce serait plus conforme à votre profession ?

— La maladie est plus probable, pourtant...

— Quoi, pourtant ?

— Les démons existent, sans aucun doute ; mais on peut les concevoir de différentes façons.

— Vous avez de nouveau baissé les yeux, reprit Stavroguine sur un ton irrité et moqueur, parce que vous êtes honteux pour moi que je puisse croire au diable et que, jouant l’incrédulité, je vous pose astucieusement la question : Existe-t-il réellement ou non ?

Tikhon eut un sourire vague.

— Et vous savez ? Cela ne vous va pas du tout de baisser les yeux : ce n’est pas naturel, c’est ridicule, c’est maniéré. Eh bien, pour compenser cette grossièreté je vous dirai sérieusement, avec impudence : oui, je crois au diable. Je crois canoniquement ; je crois au diable personnel, et non allégorique, et je n’ai nul besoin de questionner ; voilà, c’est tout. Vous devez être extraordinairement heureux. — Il éclata d’un rire forcé, nerveux. Tikhon le fixa curieusement d’un regard très doux, quelque peu timide, semblait-il.

— Croyez-vous en Dieu ? jeta brusquement Stavroguine.

— Je crois en Dieu.

— Mais il est dit : si tu crois et si tu ordonnes à la montagne de marcher, elle marchera... Bêtises d’ailleurs ! Je suis curieux de le savoir pourtant : pouvez-vous faire marcher la montagne ?


— Oui, si Dieu l’ordonne, prononça avec douceur et réserve Tikhon, abaissant de nouveau les yeux.

— Alors c’est comme si Dieu lui-même la mettait en marche. Non, vous-même, vous-même, en récompense de votre foi en Dieu ?

— Peut-être que oui.

— Peut-être ! — Ce n’est pas mal. Pourquoi doutez-vous ?