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son caractère qu’il semblait que l’homme ancien avait complètement et subitement disparu en lui. Il n’eut aucune honte à exprimer la crainte que lui causait son fantôme. Mais tout cela ne dura qu’un instant et ces dispositions disparurent aussi inopinément qu’elles étaient apparues.

— Des bêtises tout cela, dit-il avec dépit, en se ressaisissant. J’irai voir le docteur.

— Allez-y, il le faut absolument, confirma Tikhon.

— Vous parlez bien affirmativement. Vous en avez vu des gens comme moi, avec ce genre d’hallucination ?

— Oui, j’en ai. vu, mais très rarement. Je m’en rappelle un ; c’était un officier, après la perte de sa femme qui avait été pour lui une compagne incomparable. J’ai entendu parler d’un autre. Tous les deux ont été guéris à l’étranger... Y a-t-il longtemps que vous êtes sujet à ces choses là !

— Un an à peu près. Mais tout cela ce sont des bêtises. J’irai chez le docteur. Bêtises ! Bêtises ridicules ! C’est moi-même sous différents aspects, et voilà tout. Puisque je viens d’ajouter cette phrase, vous allez certainement penser que je continue à douter et que je ne suis pas sûr que c’est vraiment moi, et non pas le diable.

Tikhon le regarda interrogativement.

— Et... vous le voyez réellement, demanda-t-il, je veux dire sans conserver du tout l’idée que c’est une hallucination mensongère et maladive ; voyez-vous réellement une image quelconque ? — C’est étrange que vous insistiez là-dessus, quand je vous ai déjà expliqué ce que je voyais, répondit Stavroguine dont l’irritation croissait de nouveau à chaque mot... Je vois certainement, comme je vous vois... Parfois je vois et ne suis pas sûr de voir, bien que je sache que c’est la vérité : c’est moi ou bien lui... Bêtises ! Mais est-ce qu’il vous est impossible de supposer que c’est véritablement le diable ? ajouta-t-il en riant et en tombant trop brusqu