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NOTES 613

que des orateurs de droite — ceux de gauche l'auraient pu faire mieux — se soient réclamés d'elle à la tribune du Palais-Bour- bon. A vrai dire, dans le tumulte des passions qui ne sont que d'un jour, elle surprend ceux qui la rencontrent. Tumultueuse elle aussi, et passionnée, mais comme venue de plus loin, tom- bée à la façon d'un William Blake, d'un point hors de notre temps et de notre espace.

« Vertigineux et tendre », ces noms von: aussi bien à Albert Thierry, qu'à tel personnage de son Sourire Blessé. Sa tendresse était de celles qui épousent mille vies contradictoires. Mais sa complexité même, son inquiétude, étaient libératrices — nul n'aima plus, nul ne fut plus détaché — et la multitude des con- tradictions, qu'il eût dédaigné d'arranger, ne le déchirait point trop. Si l'on cherchait une catégorie où le ranger, .1 faudrait l'apparenter aux rares esprits qui inventent non la vie, mais une façon nouvelle de la vivre. Ce qui d'elle irrite, blesse les autres, ils n'y trouvent qu'excitation. L'instinct du fort les pousse à l'obstacle d'où ils doivent rebondir. A leur naissance ils trouvent un monde qui se dit vieux, une morale, une religion qui se disent sûres — de l'air qui a été respiré déjà, et ils aiment mieux l'aventure intellectuelle, le danger de la découverte.

L'adolescence paraissait à Albert Thierry un état de grâce. Dans l'expérience dont les adultes sont fiers, alors qu'elle leur ôte cette grâce, il voyait parfois une révélation, le plus souvent une série de déformations, d'accidents douloureux et qui enlai- dissent. Le titre de son roman lui a été inspiré par le sourire de l'enfant qui à peine ouvert se referme, se flétrit au vent aigre dont est traversé le tout premier printemps de l'homme.

Quand il s'écriait : « Quel miracle qu'un enfant ! » ce n'était pas foi naïve en la bonté d'une nature à la Rousseau que la société viendrait gâter. Tous ses personnages ont bien ce trait commun d'être arrêtés par elle dans leur élan juvénile ; leurs lèvres invariablement se contractent sous la blessure que la vie vient infliger à chacun d'eux. Pourtant la source de douleur ils la portaient en eux, leur visage s'épanouissant était celui de la vie déjà, non pas pur comme on peint celui des anges, mais dès l'origine troublé de désirs, — de beaux traits disjoints par la concupiscence, des yeux limpides où les rêves fous de la puberté mettent une ombre. Un garçon de treize ans a plaisir à mentir.

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