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NOTES 597

gne éloquemment de ses méditations. Il est beau qu'un poète apparaisse tourmenté, mais on aime que son chant lui soit comme une évasion. Cet énigmatique reptile qu'on voit

... parmi l'étinceUement, De sa queue éternellement Etgrnelhment le bout mordre.

cette image ne devrait pas demeurer l'emblème d'un art à jamais replié sur soi. Eludant les tâches qui lui semblent trop com- munes comme d'exprimer une idée abstraite au moyen d'images sensorielles, M. Valéry se plaît à faire l'opération inverse. Par exemple, Eve prête à cueillir le fruit de « l'arbre des arbres »

est

la grande urne

d'où va fuir le consentement ; et quelques vers plus loin, le Serpent prétend

voir le long pur d'un dos si frais frémir la désobéissance.

Tout n'est point propre à être exprimé d'une façon rare ni avec des mots précieux et le moindre inconvénient de cette précio- sité est de rompre le rythme intérieur du poème. La complica- tion n'est pas le mystère et l'obscurité n'est point propice à la muse didactique. C'est ce que j'aurais voulu objecter au serpent hégélien de M. Valéry si je n'avais craint d'interrompre le déroulement pailleté des strophes dont son corps luisant est formé, ni surtout de déranger la radieuse apparition de la femme édenique,

toute offerte aux regards de l'air, l'dme encore stupide et comme interdite au seuil de la chair,

à qui le savant reptile adresse un si charmant discours :

Tu es si belle, juste prix

de la toute sollicitude

des bons et des meilleurs esprits !

Pour qu'à tes lèvres ils soient pris

Il leur suffit que tu soupires !

Les plus purs s'y penchent les pires,

Les plus durs sont les plus meurtris.

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