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392 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

théâtres ordinaires accaparés par tous les fabricants dramatiques qui se tiennent entre eux, organisent leurs succès à force de réclame et ferment les portes aux nouveaux venus ? Je ne ferai qu'un reproche à M. Emile Mazaud. C'est d'avoir employé au début de Dardamelle, à s'y méprendre, la langue de Molière. Il semble vraiment, pendant tout le premier acte, qu'on entende des répliques du Médecin malgré lui. Cela nuit à la spontanéité du dialogue. On sent l'artifice, la fabrication. Cette imitation surprend d'autant que M. Emile Mazaud ne la montre plus dans la suite de sa pièce. Il n'est pas possible qu'il ne l'ait pas fait volontairement. Cela n'enlève du reste rien aux grandes qualités de son œuvre. Une autre observation que je ferai, mais celle-ci sous toutes réserves, affaire de goût uniquement, en reconnais- sant que l'auteur était meilleur juge que moi, c'est sur le dénoue- ment. Sur les instances des notabilités de la ville, — la pièce se passe en province, — Dardamelle consent à pardonner à sa femme et à quitter son jeu. Il reste un moment seul avec elle. « C'est entendu, lui dit-il. Je pardonne. Mais ne recommence pas. Car alors il se pourrait bien que l'un de nous deux meure. — Quoi ! lui réplique-t-elle. Tu me tuerais ? — J'ai dit : l'un de nous deux, répond Dardamelle. Je n'ai pas dit que ce serait loi ». Certes, cette fin est touchante. Elle étend sur toute la pièce une émotion qui se cachait, ou presque, pendant trois actes, sous la fantaisie la plus divertissante. Je me demande pourtant si la pièce n'eût pas gagné à garder jusqu'au bout cette fantaisie, ce qui ne lui eût rien fait perdre de sa vérité. M. Emile Mazaud a peut-être trop obéi au besoin de finir ? Sa fin est d'ailleurs plus vraie que la fantaisie continuée. Mettez Dardamelle dans la réalité. Vous sentirez cela tout de suite.

11 faut faire les plus grands éloges de l'interprétation. M. Jacques Baumera été Dardamelle en personne. Le physique, le ton, les attitudes, les jeux de physionomie, la simplicité, le naturel, la malice cachée, l'étonnement feint, on n'imagine pas le personnage sous un autre aspect. De même, Madame Jeanne Chevrel a été à la perfection l'épouse infidèle, ahurie, niaise, dépitée, vexée et bien punie de son infidélité. Le rôle comprend une grande partie muette, toute faite de jeux de phy- sionomie. Cette comédienne y est excellente. Je regrette bien de ne pas savoir au juste le nom de l'artiste qui joue un visiteur

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