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590 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

nages de son œuvre, et une sorte de Gloire, auprès de lui, le rassurant sur les arrêts de la postérité. Mais c'était le vocabu- laire qui n'était pas fameux. M. Jacques Richepin évoquait à un moment le roman comique de Molière à travers toute la France, promenant sa troupe de ville en ville, encore simple comédien, lui qui devait être un jour le premier de nos auteurs comiques. L'image obligée était là : le fameux chariot de Thespis. Je ne me rappelle pas le vers dans son entier. Il y avait trois fois le mot chariot, avec un adjectif différent chaque fois :

Chariot , chariot , chariot surhumain !

Reconnaissez là le style ridicule, la pathos mis à la mode, en poésie, par ce grand phraseur de Victor Hugo. Je vous demande en quoi un chariot peut être surhumain et s'il peut y avoir le moindre rapport entre cet adjectif et ce substantif. Ce sont des niaiseries de ce genre qui me faisaient éclater de rire, quand, fort rarement, et je parle d'il y a longtemps, car c'est bien fini aujourd'hui, j'ouvrais un livre de Victor Hugo. Par exemple, à la fin de la tirade de Ruy Blas, le pauvre oiseau plumé qui cuit dans une « marmite infâme ». Il est vrai qu'il n'y a rien de plus comique que le théâtre de Victor Hugo. C'est un vrai Guignol. Ces niaiseries se voient aujourd'hui partout, à propos des moindres choses. Un monsieur assassine son concierge. Il enferme le corps dans une malle et expédie celle-ci dans une destination quelconque pour s'en débarrasser. L'affaire est découverte. On fait revenir la malle. Les journaux racontent le crime dans tous ses détails. Ils donnent à leurs lecteurs une photographie de ladite malle. Vous savez comment ils la désignent, la qualifient : la malle tragique ! La malle tragique ! Je vous demande en quoi une malle peut être tra- gique, eût-elle contenu dix concierges au lieu d'un ? Une action peut être tragique, un geste, une physionomie, un discours. Mais une malle ? Enfin, on peut toujours rire.

Je viens de retrouver le titre de l'à-propos de M. Jacques Richepin. Cela s'appelait Mo/î'^r^ e/ son ombre.

On a joué, au Théâtre de l'Œuvre, une bien jolie pièce, curieuse et amusante, de M. Emile Mazaud. Cet auteur drama- tique a débuté l'année dernière, au Théâtre du Vieux Colombier,

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