Page:NRF 18.djvu/593

Cette page n’a pas encore été corrigée

aurait pu être, mais c’est encore une fort mauvaise pièce. Les auteurs ne l’ont pas seulement manquée. Ils y ont encore fait de la fantaisie, ils ont dénaturé leur sujet, ils ont multiplié les erreurs et les fautes grossières. C’est ainsi qu’ils ont inventé un personnage de belle inconnue, dont le nom n’est pas prononcé, — ils eussent été bien embarrassés pour nous le dire, — et qu’ils nous montrent le visage sans cesse caché par un masque. Avec ses amis Chapelle et Cyrano, Molière, encore jeune homme, un soir sauve la vie à cette dame, sur le Pont Neuf, dans une attaque de malandrins. Il en devient amoureux pour le restant de sa vie, sans pouvoir la revoir qu’au moment même qu’il va mourir. Nous avons cette fois une transformation de Molière lui-même, transformé en beau ténébreux et en amant transi. Cette femme n’a jamais existé dans la vie de Molière et on ne voit en rien son intérêt dans la pièce. Ce n’est pas trop dire que cette invention est une pure niaiserie. Les démêlés conjugaux de Molière, quelques traits de sa liaison avec Madeleine Béjart eussent été autrement intéressants et les auteurs seraient restés dans la vérité. La pièce que M. Maurice Donnay a écrite sur Molière et que l’Odéon a représentée également [1] n’était pas fameuse mais au moins il n’inventait pas et on restait dans l’histoire vraie du personnage. J’en dirai autant pour la scène de la mort de Molière dans la pièce de MM. Jean José Frappa et Dupuy-Mazuel. Ce tableau était facile à composer, avec tout ce qu’on a écrit sur ce sujet. Là encore ces messieurs ont préféré innover. Ils font mourir Molière comme un commis de nouveauté atteint de langueur amoureuse. Molière est presque au moment d’expirer. Comme cela se passe toujours sur le théâtre en pareil moment, il parle beaucoup. La belle inconnue arrive en courant, toujours masquée et toujours muette. « Et voici... voici... le bonheur impossible !... » murmure alors Molière, dont ce sont les derniers mots. Les auteurs se sont mépris. Parce qu’ils mettaient à la scène un auteur comique, ils ont voulu le faire mourir de façon comique. C’est excessif. Ce n’est pas tout. La langue comptait, dans une pièce de ce genre. Il n’y aurait eu aucun inconvénient à employer plus ou moins celle de l’époque. MM. Jean José Frappa et

  1. Je crois que je me trompe et que c’était à la Comédie française.