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CHRONiaUE DRAMATICgJE 585

entendait, au tableau de Rachel chez elle, un de ses camarades lui lire le feuilleton que venait d'écrire sur elle, dans les Débats, le grand critique dramatique de l'époque, Jules Janin. Les cos- tumes du temps, le physique des personnages reproduit le plus fidèlement possible par les artistes de l'Odéon, — jusqu'à mon- trer la verrue que l'un avait à la joue gauche, ou à parler du nez, comme parlait un autre, — ces illustrations des lettres et du théâtre qu'on voyait réunies sur la scène, une mise en scène étonnante, par exemple le plateau de la Comédie française, vu derrière les décors, et, dans le fond, visible comme elle l'est des coulisses, la salle avec les spectateurs... Tout cela était bien un peu Musée Grévin, On avait beau ne pas oublier qu'on était au théâtre. On se laissait néanmoins aller à une certaine illusion. On était intéressé, amusé, presque pris. De combien de pièces, que leurs auteurs considèrent comme bien supérieures à ce genre de théâtre, pourrait-on en dire autant ? Pour ma part, si on reprenait Rachel à l'Odéon, je ne manquerais pas d'aller la revoir, et on sait si les pièces sont rares qui peuvent me faire me déranger deux fois.

Le Molière, de MM. Jean José Frappa et Dupuy-Mazuel, que l'Odéon a représenté, aurait pu être une pièce de ce genre. Son- gez donc ! Une pièce sur Molière, ayant Molière pour principal personnage, nous le montrant dans tout le cours de sa vie d'homme, depuis ses débuts jusqu'à sa mort ! Une pièce qui met en scène presque tous les personnages au milieu desquels il vécut, depuis ses compagnons de jeunesse jusqu'à ses camarades de théâtre, depuis ses maîtres Gassendi et Bernier jusqu'aux seigneurs et courtisans de la cour de Louis XIV et Louis XIV lui-même ! Une pièce qui nous montre Molière prenant ses premières leçons avec l'illustre Scaramouche, et nous le montre, dans la Cérémonie du Malade imaginaire, défaillant, en pronon- çant le fameux juro, du mal qui va l'emporter quelques heures après ! Une pièce dont tout un acte nous montre les jardins de Versailles, lors d'une représentation que Molière donne pour le roi, avec tous les personnages de la cour arrivant un à un, tous autant de modèles passés ou futurs pour Molière, qui les nomme, retiré dans un coin avec son fidèle Chapelle : le mar- quis de Soyecourt : Dorante le chasseur, — parmi quelques femmes : Cathos et Madelon les précieuses, — la duchesse de

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