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LE CAMARADE INFIDELE 581

nière plus encourageante, mais je ne ferais que vous pré- parer de nouvelles déceptions.

Sans défense contre un malheur qui l'accable avec tant de calme, l'ouvrier a juste la force de garder bonne conte- nance. Tout en l'aidant à prendre sous chaque bras un de ses lourds paquets, Thomas lui dit :

— Je sais ce qu'on éprouve quand il fiut renoncer à un grand espoir. Il m'est arrivé de me tromper comme un autre...

Mais ses paroles produisent une réaction inattendue. L'homme riposte d'une voix qui tremble :

— Si vous vous êtes trompé... excusez la hardiesse... vous pouvez vous tromper une fois de plus. Vous êtes savant, mais vous ne voulez pas prétendre que M. Robert, lui, ne l'était pas... Il arrive qu'un savant dit blanc et l'autre noir... Si vous aviez entendu parler M. Robert... On l'aurait aidé rien que pour Tentendre encore... Vous n'allez pas dire que c'était un blanc-bec...

Alors, n'y tenant plus, Vernois s'avance ;

— Ce que je puis vous affirmer, c'est que M. Robert était le meilleur camarade que j'aie rencontré. Il aurait pu se mettre à l'abri ; il ne l'a pas fait ; cela mérite qu'on ne l'oublie pas. Si mon frère vous a dit son avis avec fran- chise, c'est parce qu'entre hommes on se doit la vérité. Mais tout le monde n'est pas de force à la supporter. Vous penserez comme moi qu'il vaut mieux ne rien dire à M""^ Heuland... Il y a des gens qui n'aimaient pas son mari ; nous n'allons pas leur fournir des armes.

Le regard de l'ouvrier est celui d'un homme qui revoit le jour. Pour serrer la main de Vernois, il pose ses fardeaux ; et quand, sans avoir rien trouvé à dire, il les reprend et gagne la porte, il semble ne plus en sentir le poids.

C'est le plus jeune des deux frères qui, rompant le silence, attaque le premier :

— Tu voudrais sans doute aussi qu'on explique à

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