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tourné en ridicule et un milieu qu’elle n’osait pas apprécier équitablement.

— Milieu qui est le vôtre aussi bien que celui de son mari. Et quels sont les fruits de votre apostolat ? C’est que, sur les quatre photographies dont elle ne se séparait pas, il y en a une de remisée dans un tiroir. Parfaitement ! Sur sa table il n’en reste que trois. Combien de temps vous faudra-t-il pour en faire tomber une seconde ?

Ce harcèlement l’exaspère, mais il est intimidé par tant d’ingéniosité dans la haine et par cette plume du chapeau, qui froissée et chargée de pluie bat le visage de la femme sans même qu’elle s’en aperçoive.

— Je ne vous souhaite pas de déception, poursuit Mlle Gassin. Vous ne seriez d’ailleurs pas le premier à qui elle en aurait causé. Il arrive que ces femmes exaltées ne soient plus que glaçons quand on les tient dans ses bras. Ne me regardez pas avec ce dégoût. Ce n’est pas ma faute si les hommes sont vite lassés d’elle et plaisantent ensuite ses manières, ses soupirs…

Vernois ne fait pas un mouvement. Elle se méprend sur ce qui se passe en lui :

— Je vous demande pardon si je froisse vos sentiments…

— Il ne s’agit pas de moi, riposte-t-il. Je savais Heuland bavard et indiscret, mais tout de même…

— Évidemment, c’est un trait que vous ne mettrez pas dans le panégyrique. Reste à savoir si l’image que vous arrangez est plus attachante que la vraie. Pour celles d’entre nous qui ne se piquent pas d’être sublimes, une indélicatesse commise en notre faveur nous paraît rarement monstrueuse. Que voulez-vous ? Les êtres que la vie n’a pas gâtés, on les flatte et les attendrit à peu de frais.

Vernois fait quelques pas pour échapper à l’égouttement des feuillages :

— C’est tout ce que vous aviez à me dire ?