PREMIÈRE JOURNÉE A RUFISQ.UE 54!
la coupée. Mon arrivée a été saluée par ce murmure mélangé d'amitié et d'ironie qu'excite toujours l'apparition d'un de nos semblables dans une tenue seyante et fraîche. C'était la première fois, depuis des semaines, que j'aban- donnais mon chandail et les sombres couleurs de l'hiver; le casque en outre produisait son effet.
Mais ce qui m'a d'abord frappé la vue, spectacle qui primait tous les autres, cela a été M. Chabaneix, haut, large, bombé dans un complet de flanelle blanche à petites raies bleu pâle, les pieds chaussés de souliers blancs, son visage césarien encadré dans un casque kaki d'une forme heu- reuse, et serrant sous son bras (seule tache foncée de cet ensemble vraiment étincelant) son portefeuille de maro- quin bruni. Je n'ai pu retenir une exclamation : « Oh, vous êtes superbe ! » C'était la vérité. Aussi a-t-il joui pro- fondément de cet hommage spontané et s'est-il senti, s'il était possible, plus à l'aise encore dans sa peau.
Le canote était armé et dansait déjà dans la houle ; trois matelots le maintenaient péniblement éloigné de la coque et de l'échelle.
Je vous ai dit que la brise venait de terre et soufflait grand frais. A peine débordés, nous avons eu la vague dans le nez ; le canote n'ayant point de quille de roulis, le commandant n'avait pas osé mettre à la voile ; les trois rameurs avaient tout le mal du monde à nager ; je me souviens du reste avec reconnaissance de l'air de particu- lière bonne humeur qu'ils avaient ce matin-là.
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��Je crois que les Instructions Nautiques donnent au mouillage de Rufisque le nom de port ou de rade. Mais rien ne rappelait l'idée que nous nous faisons de l'un ou de l'autre.
Une brume blanche, mélange de vapeur d'eau, d'écume et de sable, nous cachait le grand arc que la côte dessine
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