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« Si je vous ai dit tout cela, Michel Pétrovitch, c’est que j’ai la conviction que vous partagez ma manière de voir et que vous êtes avec moi en complète sympathie. »

Mon agitation était telle que, de toute la nuit, je ne réussis guère à m’endormir. Et puis j’avais honte aussi de l’avoir en quelque sorte incité à se confesser à moi ; et en même temps j’éprouvais de la joie : l’homme qu’il était ne m’avait rien caché de ses faiblesses et de ses douleurs morales. Ce trait me l’a toujours fait particulièrement aimer et m’avait lié spirituellement à lui.

Mon cher, mon cher bon vieux ! Aurais-je pu penser que tu vivais dans cette maison tes derniers jours et d’une pareille vie !

Je rentrai chez moi à la campagne. Quelques jours se passèrent et le 26 octobre je reçus sa chère et précieuse lettre datée du 24 octobre[1].

Jamais je ne me pardonnerai la négligence que j’ai apportée à y répondre. On a su depuis que cette réponse, il l’attendit 48 heures. Lorsqu’il la reçut, il était couché, malade dans la gare d’Astapovo. Sans cela peut-être, qui sait, sa vie aurait été prolongée de quelques années : la chaumière requise, la chaumière chaude et propre était libre ; il semblait qu’elle attendît son hôte. Cher Léon Nicolaïévitch, tu me pardonneras, car tu l’as toujours su, je t’aimais, j’étais franc avec toi et si j’ai tardé à répondre, c’est sans arrière-pensée.

Au reçu de la lettre, je ne me pressai pas de faire ce qu’il demandait. Je réfléchis plusieurs jours : comment le

  1. Voir cette lettre page 537.