sympathie était-elle que moi aussi alors je menais une vie mauvaise. »
Il m’accompagna et, comme d’habitude, prit congé de moi le soir même : longtemps il ne lâcha pas ma main comme s’il se disait que c’était pour la dernière fois et cependant il me répétait :
« Nous nous verrons bientôt… Dieu veuille que bientôt nous nous voyions. »
J’étais au lit, j’allais m’endormir, j’entendis près de moi des pas légers. Je le voyais de nouveau dans une demi‑obscurité. La légèreté de ses mouvements que n’accompagnait aucun bruit était telle que j’étais prêt à croire que c’était son ombre. Je tendis la main vers la lampe pour donner plus de lumière. Ce que voyant, Léon Nicolaïévitch arrêta mon bras. Assis près de moi sur mon lit, il dit d’une voix basse et entrecoupée :
« Non, c’est inutile, comme ça c’est mieux, je suis venu vous trouver pour une minute. Je suis content que vous ne dormiez pas. J’ai dit à Douchan de nous laisser seuls.
« Quant à vos manuscrits, continua-t-il je viens de les lire. J’écrirai à Anoutchine et aussi à Korolenko ; seulement je vous conseille, et j’y insiste, de ne pas vous éparpiller, de ne pas vous épuiser sur des choses qui n’en valent pas la peine — il faut vous borner à décrire votre vie. Elle est si pleine et si instructive que je suis tout prêt à vous envier. Racontez-la, il le faut, et même je vous en prie. »
Puis après un silence :
« Ce que vous avez eu en abondance, toute ma vie m’a fait défaut. Allons, adieu ! »