actions et qu’il te fasse voir ce qui est bien et ce qui est mal, ce qui est possible et ce qui ne l’est pas. Mais tant que nous nous laisserons guider par une autorité externe, Moïse et le Christ pour l’un, Mahomet ou le Socialiste Marx pour un autre, nous ne cesserons d’être les ennemis les uns des autres et nous n’arriverons aucunement à nous entendre. »
Puis la conversation dévia : on parla de ceux qui sortent de l’Église Orthodoxe, des dissidents, de ceux qui ont renoncé à la foi de leurs pères.
« Il est aisé, dis-je, de naître et de mourir sans l’aide du clergé. Mais il peut y avoir des difficultés, là surtout où il y a peu de gens sortis de l’Église, quand il s’agit du mariage d’enfants qui ne se rattachent à aucune confession. »
Là-dessus, Léon Nicolaïévitch, avec vivacité : « Le mariage serait-il le seul but de la vie ? Je crois que non seulement Marx, mais Moïse ni le Christ n’ont rien écrit de semblable. Bien au contraire, l’idéal évangélique est la chasteté et je sais bien des femmes qui ne se sont pas mariées. Elles ont eu tant de besogne avec leurs sœurs, avec leurs frères qu’elles n’ont pas eu le loisir de penser à leur vie personnelle. J’estime qu’aux yeux de Dieu ces vies-là ont plus de prix que la vie des gens mariés. Voyez ma Sacha[1] — et ces derniers mots furent dits avec tendresse — elle a 26 ans et elle n’a point encore songé à se marier. »
Puis après un instant de réflexion : « Je ne conteste point — mais une chose me paraît claire : si un homme vit selon Dieu, et si toujours et en tout il agit avec sens, peu importe qu’il se rattache ou non par le baptême à une confession quelconque, et pour sûr la vie lui apportera une part plus grande de joies. » Et plaisantant : « J’ai quelque idée que les célibataires ont moins d’ennuis que d’autres. »
Entra Alexandra Lvovna. Elle raconta que les paysans d’Iasnaïa Poliana venaient, en assemblée[2], de décider la