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NOTES 511

l'homme n'en soit diminuée : Proraéthée devenu Olympien.

J'ignore si un jour quelqu'un écrira la tragédie de Goethe. Mais je sais que j'aimerais le Gœthe tragique, grand malgré la vie, que je Taimerais plus peut-être que l'autre dont nous par- lent les biographes, symbole d'une vie toujours harmonieuse, et qui se suffit à elle-même : chef-d'œuvre suprême du grand artiste qui l'a créée.

Pourtant j'hésite. Quoique nous puissions penser de l'homme, respectons le poète qui nous apprit, par son exemple, à com- prendre la vie et à lui donner un sens nouveau. La vie de Gœthe, une légende sacrée, un symbole de toute vie : rien de plus vrai pour les générations qui ont grandi sous l'influence de Gœthe. C'était une foi nouvelle, une religion qui à l'encontre de toutes celles qui l'avaient précédée, ne prétendait pas cher- cher à la vie un sens en dehors de la vie elle-même. D'où venons-nous et où allons-nous ? Nous n'en savons rien. Pourquoi vivons-nous ?Nous vivons pour vivre, et vivre, c'est en passant à travers les différentes phases de la vie, être soi-même. De cette plante qui vit et se développe quelle est la destinée ? D'être plante. De l'homme ? D'être homme. De cet individu enfin, dont la vie commence ? De s'achever en formant une personna- lité. Et cela est vrai partout où une vie s'organise, pour les peuples aussi bien que pour les individus. Tout ne tend qu'à être soi-même ; la vie est une réalisation. Gœthe vécut pour être Gœthe, comme la plante vit pour être plante. A la question quel est le sens de la vie, c'est la vie elle-même qui seule peut donner une réponse. Elle répond en se créant. Le sens de la vie, c'est que tout ait un sens dans la vie. N'en cherchez pas d'autre. Tout n'est d'abord qu'accident et hasard, mais rien de ce qui arrive ne reste accident, dans une vie qui en se formant assigne à toutes choses sa place, pour s'achever dans le temps.

La religion de Gœthe connaît des devoirs. Ne rien laisser de ce qui nous arrive en dehors de la vie, sans l'ordonner par rap- port à l'ensemble ; s'arrêter souvent et s'abandonner à ce que le moment apporte, mais ensuite reprendre la route; savoir oublier parfois, mais sans que jamais rien ne se perde de ce qui fit par- tie de nous-mêmes : afin que tout, à son heure et à sa place, rentre dans l'œuvre que nous créons en vivant notre vie. Et quand arrivés au terme, nous nous arrêterons pour voir passer

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