Page:NRF 18.djvu/513

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tiens, entre lesquels d’ailleurs il y a une nouvelle distinction à faire, les lettres nous renseignant mieux que ne le font les entretiens. Il me plaît de voir M. Gundolf insister pour nous dire que la vie d’un artiste se retrouve dans ses œuvres, et non dans un ensemble de gestes et de paroles qu’ont pu noter ceux qui l’ont approché, ou dont témoignent telle lettre écrite dans une circonstance fortuite. En effet les biographes de Goethe l’ont trop souvent oublié. Seulement je doute que pour comprendre Goethe, on puisse s’astreindre à un classement. Sans vouloir discuter le fond de la thèse de M. Gundolf, je ne crois pas que lui ou aucun autre connaisseur de Goethe ait pu se former une vision de la personnalité du poète, en suivant une voie méthodique. Relisant l’œuvre de Goethe, il nous arrivera de nous arrêter à tel passage ou tel autre qui nous semble une révélation, et chaque fois, toujours au gré en quelque sorte du hasard et des rencontres, nous croirons le connaître un peu mieux. Pourquoi s’en cacher et vouloir régler d’avance l’importance qu’il nous sera permis d’attacher à tel passage de Goethe, selon l’endroit où nous l’avons trouvé ? C’est trop raisonner, surtout quand il s’agit de Goethe dont l’esprit d’une variété infinie ne saurait être réparti dans des cadres.

Le vrai problème semble devoir se poser autrement. Voici de quoi il s’agirait d’abord. On connaît assez bien le rôle que joua tel personnage dans la vie de Goethe, mais on voudrait savoir aussi si l’homme ou la femme qui l’approcha ressemble vraiment à l’image que s’en fit le poète. Sachant que Goethe avait aimé telle femme, on a bien soin de rechercher d’après le témoignage de parents ou d’amis s’il ne s’était pas trompé. Je comprends parfaitement que M. Gundolf ne fasse rien de la sorte, et qu’il ne veuille pas se placer, pour ainsi dire, en dehors de la vie de Goethe pour apprécier ceux ou celles qui y ont joué un rôle.

Mais cette question une fois écartée, nous nous retrouvons aussitôt en face d’un problème qui nous semble présenter de bien plus grandes difficultés. Nous sommes d’accord, c’est la vie de Goethe que nous voulons décrire, et toute personne qui l’approcha ne nous intéressera qu’en tant que personnage de cette vie. Qu’en résulte-t-il pour le biographe ? C’est à Gœthe lui-même qu’il devra s’adresser, pour savoir ce qu’il en est de tel