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NOTES 505

passé et que des rencontres, des amitiés, des amours ont mar- qués. Un changement de milieu, le passage d'une ville dans une autre, un voyage parfois, forment naturellement les étapes d'une vie et qu'on peut raconter. Le biographe alors, refaisant le chemin, revivra la vie d'un autre, et assistera à la formation d'une personnalité. Mais suivant ainsi le cours d'une vie, il lui arrivera presque toujours qu'à un certain moment son pas se ralentisse ; le paysage devient monotone, et la route encore longue ne présente plus aucun intérêt. Son compagnon a atteint la quarantaine ; et si alors la vie continue, c'est la plupart du temps une vie sans histoire, une vie qui ne se raconte plus, quel que soit d'ailleurs l'intérêt des œuvres et de la personnalité du voyageur. C'est aussi pourquoi la plupart des biographies traî- nent en longueur, le biographe continuant son récit, alors que ce qu'il a à nous dire n'est plus qu'un épilogue terne et insigni- fiant, une rallonge à la vie. La fin d'une biographie ne coïncide presque jamais avec la mort de celui auquel elle est consacrée, et le biographe ne sait comment se débarrasser d'un personnage devenu fort encombrant depuis que sa vie ne présente plus aucun intérêt.

Je crois qu'il n'y a en somme que très peu de personnes dont on doive ou même puisse écrire la biographie. Pour la plupart, il suffirait de s'en tenir à leur œuvre, d'analyser leur personna- lité, et de dire quelque chose sur leur milieu. Mais peut-être me ferais-je mieux comprendre en citant comme exemple le per- sonnage qui plus que tout autre semble réunir en lui toutes les qualités nécessaires pour faire l'objet d'une biographie : Gœthe.

Chez Gœthe, en effet, tout est en fonction d'une vie, tout s'y rapporte, tout est vital pour ainsi dire. Ses visions, ses idées nées du moment, expriment les phases par lesquelles il a passé, ses œuvres incorporées à sa vie n'en peuvent être détachées» Elles se suivent et s'enchaînent pour former un ensemble dans lequel se retrouve le rythme de la vie : les différents âges y sont gravés, y apportant chacun ce qui lui est particulier. Ainsi quand on nous parle des œuvres de jeunesse de Gœthe, cela signifie bien la jeunesse comme telle, la jeunesse avec son droit et les valeurs qui lui son*" propres. C'est une phase de sa vie qui se suffit à elle-même, une fin en soi en quelque sorte, une jeunesse qui aurait crouvé sa maturité. Et il en est de même

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