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49 6 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

lement l'héroïne résiste à la tentation de tromper son mari, mais encore elle finit par se rendre compte de la noblesse d'âme de ce pauvre être disgracié ; etsi elle reste àjamaisphysiquement incapable de dominer le refus de son corps, elle lui accorde toute sa tendresse et même tout son amour spirituel ; et après sa mort demeure une veuve inconsolée. Non seulement Jean Péloueyre n'en veut pas à sa femme de ne pouvoir s'abandonnera lui, mais encore il se laisse mourir pour lui rendre sa liberté.

Cette hauteur morale où s'élève par degrés un récit qui, à son début, baigne dans la plus irrémédiable médiocrité provinciale, les héros de M. François Mauriac y atteignent naturellement parce qu'ils sont catholiques de tradition et d'éducation et qu'ils obéissent en définitive à la loi chrétienne de résignation et de sacrifice, malgré tous les assauts de l'esprit du mal. Leur catho- licisme foncier les arrête au seuil de la faute, après qu'ils se sont abandonnés aux délices de la tentation, Dostoïewski, lui, n'arrêtait même pas ses personnages au seuil de la faute et les menait jusqu'au cœur du remords.

Ce n'est point par hasard que M. François Mauriac, dans la meilleure œuvre qu'il ait écrite jusqu'ici, se rattache à la tradi- tion naturaliste. Tout romancier catholique digne de ce nom doit sacrifier au naturalisme, car il doit peindre le péché. C'est ce que ne comprennent pas en général les « convertis » qui se croient obligés à des peintures chastes ou à de l'hagiographie. Mais M. Mauriac n'est pas un converti, c'est un catholique de toujours qui ne craint pas d'aborder des sujets scabreux. Un libre-penseur peut avoir foi dans une humanité vertueuse et régénérée et ne peindre qu'elle, mais un catholique sait que l'enfer existe et que la tache originelle est ineff'açable. Un écri- vain catholique ne doit pas craindre de paraître pornographique, car il sait bien qu'il ne l'est pas gratuitement et aussi que sa m.ission n'est point de prêcher la vertu, mais de peindre la des- tinée des hommes, telle que Dieu l'a voulue, balancée entre la faute de notre premier père et le rachat du Sauveur mort sur la croix.

Un des plus grands romanciers catholiques, Manzoni n'a-t-il pas, dans ses Fiancés, peint un prêtre pusillanime et un terrible pécheur soudain converti ? Et Dante...

Si la place m'était moins mesurée, je chicanerais longuement

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