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CHRONiaUE DRAMATIQUE 473

célèbres et qui sont également restées pleinement vivantes. J'ou- bliais aussi Montaigne et Saint-Simon. N'ont-ils pas gardé tous deux, l'un tout le charme singulier et pénétrant de son esprit, l'autre toute la puissance de ses peintures ? Pourquoi ? N'est-ce pas parce qu'ils n'o,nt eu de préoccupation, l'un et l'autre, que de peindre vrai, sans recherches ni embellissements ? Qu'on n'attende pas de moi que je recherche en détails les raisons de la durée de certaines œuvres littéraires. Je n'en aurais pas le talent. Je suis aussi trop paresseux. Je ne sais guère que rêver là-dessus avec une grande jouissance intellectuelle.

En tout cas, rien ne montre mieux combien certains écri- vains d'aujourd'hui, de préférence des poètes, par exemple Rimbaud et Mallarmé, sont destinés à mourir tout entiers.

Nous reparlerons donc de Molière. Je ne sais pas si vou^ êtes de mon avis, je trouve qu'on le joue bien différemment de ce qu'on devrait faire. Nous oublions qu'il est un auteur comique et qu'il a écrit pour nous amuser et nous faire rire au spectacle des ridicules et des travers humains. On dirait même que nous le trouvons insuffisant d'être cela, et que nous n'osons pas nous en contenter. Nous sommes devenus savants et pédants et nous voulons absolument lui ajouter tout ce que nous avons acquis d'idées, de sentiments et de sensations. Nous avons mêmeaiîu- blé certains de ses personnages, comme Alceste, d'un roman- tisme et d'une élégie dont ils n'ont que faire et qui les dénatu- rent complètement. Le côté interprétation souvent ne vaut pas mieux. Ce théâtre, qui a tant de côtés de théâtre populaire et qui en procédait à son origine, ne nous est plus montré que comme une pièce de musée, une série de leçons. Aucune vie, aucun naturel. Sous prétexte de théâtre classique, — l'odieux mot ! — nous n'entendons plus que de la récitation. Les profes- seurs d'un côté, de l'autre « nos modernes sensibilités » comme a dit si joliment un critique, ont tout abîmé et faussé et rendu plein d'ennui ou plein de prétentions ce qui était franchise, clarté, justesse, santé, satire et éclat de rire.

Il y a pourtant quelqu'un qui a trouvé encore mieux. C'est M. Paul Bourget, l'écrivain le plus ennuyeux qu'on ait jamais vu et qui a le plus écrit sans avoir jamais rien dit de neuf ou de vivant. M. Paul Bourget a l'esprit de parti, la manie politique. Il les applique à la littérature. Les résultats sont drôles, sans

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