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type. Le style de découverte donne la sensation que l'auteur aperçoit, comprend çc qu'il dit au fur et à mesure qu'il l'écrit, transporte dans l'écriture le graphique même d'une invention actuelle qui s'enregistre en même temps qu'elle se déroule : tel le st3'le de Montaigne et celui de Sainte-Beuve ; c'est a priori le type du style que devrait écrire un bergsonien, si d'une part un vrai bergsonien ne savait combien Va priori est trompeur, et si d'autre part M. Bergson n'avait le style précisément contraire (tout cela est à la fois très clair et très compliqué). Enfin le style d'inquiétude procède par une série de phrases discontinues, pressées, et cependant uniformes, qui paraissent frapper comme des coups de doigt à la porte d'un mystère, et qui imposent à notre vision la présence d'une figure anxieuse, de même que le style de certitude lui imposait celle d'une figure impérieuse et satisfaite, et le style de découverte celle d'une figure cher- cheuse : le type saisissant de ce style d'inquiétude nous est fourni par les Pensées de Pascal. Je ne comparerais pas plus M. Estaunié à Pascal que Zola à Bossuet ou M. Proust à Mon- taigne. Mais on donnerait le style de Zola, tout oratoire et affirmatif, et absolument pur de toute réticence, c'est-à-dire de toute critique, comme un exemple de stvle de certitude, le style de M. Proust comme un type de style de découverte, et enfin le style de M. Estaunié me paraîtrait, pour des raisons que l'on comprendra en relisant une page des Pensées, vivre selon le mouvement même d'un style d'inquiétude. En d'autres termes, le premier style extrait, de l'image ou de l'idée, la décision de l'homme qui a raison et qui propage cette raison toute faite, le deuxième le problème où se plaît l'homme qui aime chercher et pour qui les trouvailles ne sont qu'un moyen de chercher plus loin, le troisième l'angoisse où se consume l'homme qui est perdu dans un mystère et qui frappe à la porte sous laquelle des rais de lumière paraissent. A cette porte on peut d'ailleurs frapper tumultueusement ou méthodiquement. M. Maeterlinck y frappe un peu tumultueusement, comme un poète romantique. M. Estaunié y frappe méthodiquement, comme un ingénieur. Notons qu'il y avait un ingénieur en puissance dans l'inventeur de la machine arithmétique et des carrosses à six sous, et qvi'on trouverait, avec beaucoup d'artifice, un plan d'ingénieur dans l'Apologie de la religion chrétienne.

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