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RÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE

��LE ROMAN DE LA DOULEUR

Lorsque Socrate, reprenant et refaisant le discours de Lysias, a montré au jeune Phèdre combien l'amant raisonnable et pru- dent est supérieur à l'amant enflamme et démoniaque, il sent autour de lui, parmi les puissances invisibles qui l'entourent et l'inspirent, une réprobation. 11 se compare à Stésichore, qui, ayant mal parlé d'Hélène, perdit la vue, et ne la retrouva que lorsque, tenant sur la plus belle des créatures le langage des vieillards aux portes Scées, il eût écrit sa palinodie. Non, s'écrie Socrate, on ne saurait comparer la sagesse, qui est humaine, à l'inspiration, qui est divine, ni l'amour prudent, qui marche sur la terre, à l'amour orageux, pathétique et furieux, qui a des ailes et l'espace. Je louais l'autre jour l'heureuse inspiration de deux aimables esprits, M. Beaunier et M. de Miomandre, qui, ayant songé que le plaisir, fraîcheur précaire de notre vie, pou- vait à lui seul animer un roman, avaient élevé dans le feuillage un autel gracieux au petit dieu qu'ils servaient. Mais, hélas !

Le veut de l'aiilre nuit a jeté bas l' Amour Oui dans le coin le plus mystérieux du parc Souriait en bandant malignement son arc, Et dont l'aspect nous fil tant ré-ver tout un jour.

Notre louange du plaisir ne sera, comme celle de la raison dans le Phèdre, supportable que si elle est suivie de la palinodie, et si, derrière le dieu délicat et lumineux, nous apercevons comme fond de notre art et de notre pensée la grande forme tra-

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