Page:NRF 18.djvu/433

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Lesquels donc ?

— Quelques mots de Mlle  Gassin m’ont déjà prouvé que ma prudence était déplacée. Mais convenez qu’on peut tomber mal en venant rappeler à une jeune veuve le souvenir d’un homme enterré depuis bientôt trois ans.

— Si vous estimez la constance, vous en trouverez chez Mme  Heuland un exemple qui impose le respect.

Une certaine causticité pointe souvent dans les phrases les moins ironiques du général, mais le ton de celle-ci surprend Vernois au point qu’il ne peut s’empêcher de le laisser voir :

— Pardonnez-moi si je me trompe, mon général, mais il y a, dans la façon dont vous prononcez cela… je ne sais comment dire… une arrière-pensée.

— Mon Dieu, pour parler franc, simplement cette idée qu’il doit y avoir proportion entre le deuil et celui qu’on pleure. Je ne voudrais pas manquer à la mémoire de mon neveu, mais vous l’avez connu…

— C’était un garçon courtois et sans méchanceté, qui s’efforçait de bien faire.

— Oui mais, entre nous, pas très fort. Je ne dirai rien de ses examens…

— Bien d’autres ont échoué dans les concours, sans manquer pour cela d’intelligence !

— D’accord ; seulement, dans son industrie, il n’était pas plus remarquable. Il se croyait un génie d’inventeur. Or il n’existe pas de personnage plus dangereux qu’un fruit sec qui se mêle d’inventer. Il ne vous a jamais parlé de son piège électrique ?

Vernois s’impatiente :

— Je ne sais qu’une chose, c’est qu’avant lui le poêle de notre cagna ne cessait de fumer et qu’il a su l’arranger très ingénieusement.

— Je vous concéderai donc son talent de fumiste, fait M. de Pontaubault piqué par tant de résistance. Mais convenez que s’il n’avait pas eu sa fortune pour se