JAMES JOYCE - 399
IV
Ulysses.
Le lecteur qui, sans avoir l'Odyssée bien présente à l'es- prit, aboide ce livre, se trouve assez dérouté. Je suppose, naturellement, qu'il s'agit d'un lecteur lettré, capable de lire sans en rien perdre des auteurs comme Rabelais, Mon- taigne et Descartes ; car un lecteur non lettré ou à demi- lettré abandonnerait Ulysse au bout de trois pages. Je dis qu'il est d'abord dérouté ; et en effet, il tombe au milieu d'une conversation qui lui paraît incohérente, entre des personnages qu'il ne distingue pas, dans un lieu qui n'est ni nommé, ni décrit, et c'est par cette conversation qu'il doit apprendre peu à peu où il est et qui sont les interlo- cuteurs. Et puis, voici un livre qui a pour titre Ulysse, et aucun des personnages ne porte ce nom, et même le nom d'Ulysse n'y apparaît que quatre fois. Enfin, il commence à voir un peu clair. Incidemment, il apprendra qu'il est à Dublin. Il reconnaît le héros du Portrait de l'Artiste, Stephen Dedalus, revenu de Paris et vivant parmi les intellectuels de la capitale irlandaise. Il va le suivre pendant trois cha- pitres, le verra agir, l'écoutera penser. C'est le matin, et de huit heures à onze heures, le lecteur suit Stephen Deda- lus ; puis au quatrième chapitre, il fait la connaissance d'un certain Léopold Bloom qu'il va suivre pas à pas toute la journée et une partie de la nuit, c'est-à-dire pendant les quinze chapitres qui, avec les trois premiers, constituent le livre entier, environ 800 pages. Ainsi, cet énorme livre raconte une seule journée ou, plus exactement, commence à huit heures du matin et finit dans la nuit, vers trois heures.
de James Joyce, et c'est beaucoup plus que l'essai honorable, dans le drame, d'un romancier et d'un poète : c'est un monument important du Théâtre irlandais.
�� �