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398 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

les exigences de ses sens qui le poussent à des visites fur- tives aux maisons closes. En fait, le meilleur article de critique consacré au Portrait de l'Artiste fut celui de la « Dublin Review », une des grandes revues du monde catholique, rédigée ou du moins inspirée par des prêtres.

(Le style du Portrait est en grand progrès sur celui de Gens de Dublin. Le monologue intérieur et la conversation se substituent de plus en plus à la narration. Nous sommes de plus en plus fréquemment transportés au sein de la pensée des personnages : nous voyons ces pensées se for- mer, nous les suivons, nous assistons à l'arrivée des sensa- tions à la conscience et c'est par ce que pense le personnage que nous apprenons qui il est, ce qu'il fait, où il se trouve et ce qui se passe autour de lui. Le nombre des images, des analogies et des symboles augmente. Sur la page où le collégien résout son problème, les équations se développent comme des constellations et puis se résolvent comme une poussière d'étoiles qui. tombent à travers l'infini. Nous ne sommes pas prévenus, nous ne sommes pas préparés; les choses ne nous sont pas racontées ; elles arrivent ; elles nous arrivent. Et déjà les symboles apparaissent : tout le symbolisme de l'Eglise. Les différentes significations de chaque objet employé dans le culte, de chaque geste fait par le prêtre, sans parler des préfigurations, des prophéties et des concordances. Comme dans les Bestiaires mystiques, comme dans le Livre de Kells et dans la statuaire des cathédrales, les figures symboliques et la figuration des péchés avec toutes les représentations obscènes qui, évi- demment, ne choquaient pas les Chrétiens de ces siècles, qui nous apparaissent comme des époques de grande fer- veur religieuse. Tout cela, du reste, s'applique encore mieux à Ulysse qu'au Portrait de V Artiste.)

Je laisse de côté, à mon grand regret, mais encore une fois notre temps est limité, le beau drame publié en 1918, et intitulé Exilés', et je passe à Ulysse.

I . Exilés n'est pas un hors-d'œuvre dans l'ensemble de la production

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