Page:NRF 18.djvu/403

Cette page n’a pas encore été corrigée

JAiMES JOYCE 397

livres de Joyce sont grouillants, animés, sans truquage, sans morceaux de bravoure.

Les critiques anglais qui se sont occupés du Pm-trait de V Ar- tiste ont encore une fois parlé de naturalisme, et de réalisa- tion à peu près comme s'il se fût agi de tel ou tel roman de Mirbeau. Ce n'était pas cela. Ils auraient pu tout aussi bien, ou aussi mal, parler de Samuel Butler. En effet, et j'en parlais l'autre jour avec une amie qui était arrivée à la même con- clusion que moi, il y a certaines ressemblances fortuites, commandées par la situation et par le génie des deux écri- vains, entre la crise religieuse d'Ernest Pontifex et celle de Stephen Dedalus ; comme aussi entre les longs mono- logues de Christina et la forme du monologue intérieur qui' tient tant de place chez Joyce. Mais c'est tout au plus si on peut considérer Butler comme le précurseur de Joyce sur ces points-là.

Non, ces critiques se sont fourvoyés. A partir du Portrait de ï- Artiste, Joyce est lui-même et rien que lui- même.

Ils se sont trompés aussi ceux qui n'ont voulu voir dans ce livre qu'une autobiographie : « l'auteur qui, sous un nom supposé, etc.. » Ce n'est pas cela. Joyce a tiré Stephen Dedalus de lui-même, mais en même temps, il Ta créé. Autant dire alors, que Raskholnikoff, c'est Dos- toïewski.

Le succès de ce livre a été grand, et c'est à partir de sa publication que Joyce a été connu des lettrés. C'a été un succès de scandale. Les critiques, pour la plupart anglais et protestants, ont été choqués par la franchise et l'absence de respect humain dont témoignaient ces « confessions » (toujours l'autobiographie). Quelqu'un a même écrit que c'était un livre « extraordinairement mal élevé ». Il est certain qu'en pays catholique, le ton de la presse aurait été bien différent. Nous avons eu en France, dans ces dix der- nières années, plusieurs romans dans lesquels un collégien se débat entre ses croyances ou ses habitudes religieuses et

�� �