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JAMES JOYCE - 391

ber dans le pastiche. Il obéit aux mêmes lois prosodiques que les Dowland et les Campion, et, comme eux, il chante, sous le nom d'amour, la joie de vivre, la santé, la grâce et la beauté. Et cependant il a su être moderne dans l'expres- sion comme dans le sentiment. Le succès obtenu parmi les lettrés fut grand et cette mince plaquette suffit à classer Joyce parmi les meilleurs poètes irlandais de la génération de 1900 : deux ou trois des poèmes de « Musique de Chambre » furent insérés dans « The Dublin book of Irish verse », une anthologie de la poésie irlandaise publiée à Dublin en 1909 ; et en 19 14 lorsque le groupe des Ima- gistes publia son premier recueil, une des poésies de Joyce y figurait.

Nous retrouverons le poète lyrique dans l'œuvre ulté- rieure de James Joyce, mais ce sera seulement par échap- pées et pour ainsi dire accessoirement. Il aura dépassé ce stage. D'autres aspects de la vie, d'autres formes de la pen- sée et de l'imagination l'attireront. Il prêtera, il abandon- nera son don lyrique à ses personnages : c'est ce qu'il fait par exemple dans les trois dernières pages de la quatrième partie et dans certains passages de la cinquième partie de Portrait de l'Artiste, et très souvent dans les monologues de Ulysse. Mais déjà au moment où il composait les derniers de ces poèmes, dont quelques-uns ont été mis en musique, soit par Joyce lui-même, soit par ses amis, son imagination se tournait de plus en plus vers ces autres aspects de la vie, plus graves et plus humains que les sentiments qui peuvent servir de thème à la poésie lyrique. Je veux dire qu'il se sentait de plus en plus possédé par le désir d'exprimer et de peindre des caractères, des hommes, des femmes : en somme ce que ses maîtres les Jésuites lui avaient appris à appeler des âmes.)

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