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32 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

VOUS était arrivé de vous arracher une peau à la naissance de l'ongle, ce qui pique ferme, d'instinct vous vous pin- ciez vigoureusement à un centimètre de la petite blessure, jusqu'à ce que cette nouvelle sensation surpassât l'autre ; ainsi votre souffrance, ne dépendant plus que de votre volonté, devenait une sorte de jeu et cessait de vous affliger. Comparaison qui n'est pas raison, je m'em- presse de le dire. Nous en avons de plus sérieuses pour justifier le fait de créer délibérément, dans certaines natures, une crise surnuméraire à la crise de l'adolescence.

L'abbé. — Je suis curieux de ces raisons.

Moi. — Laissez-moi d'abord vous poser une question. Vous, prêtres éducateurs, quel est votre devoir ?

L'abbé. — Faire de l'éducation chrétienne.

Moi. — Mais qu'est-ce qu'une éducation chrétienne ? Je vais vous dire ma pensée. Je crois que c'est celle qui donne pour toujours, avec la fraîcheur d'émotion devant les formes sensibles du catholicisme, un tact spontané à reconnaître, dans l'extrême complexité du monde, l'acte ou le senti- ment qui est selon son génie. Génie tout caché, subtil sys- tème de prohibitions et de tolérances — règles absolues et sans appel, règles souffrant l'infraction, infractions à la let- tre, qui ne le sont pas à l'esprit — l'hérédité et l'amour même ne suffiraient pas à vous les découvrir. Il y faut tout un jeu inconscient de réactions et de déclics réflexes, que seule peut créer l'habitude personnelle: une seconde nature autonome, tellement profonde qu'elle se passerait des pra- tiques, et au besoin se passerait de la foi.

L'abbé. — Oh oh !

Moi. — Mon Dieu, oui, je ne crois pas que le don de la foi soit, en fait, un sine ijua non de l'éducation catholique. Sur dix hommes cultivés, qui ont des réactions catholiques et même sont pratiquants, combien, dans un sentiment pur de bravade, d'honneur, etc.. mettraient leur main au feu que la Trinité comporte trois personnes ? Ils agissent en tout comme si ce dogme et les autres étaient vrais ;

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